Velvet Was the Night
de Silvia Moreno-Garcia

critiqué par Dervla3012, le 27 mai 2022
( - 18 ans)


La note:  étoiles
Une atmosphère en or mais une intrigue manquant d'étoffe
De quoi ça parle ?

Maite est une jeune femme pour le moins banale : ni belle ni laide, entre deux âges – mais plus proche du second que du premier – pas spécialement douée pour son travail de secrétaire, etc. (elle remplit toutes les cases pour être une héroïne de thriller en somme ; ne manquent que les crises d’amnésie). Entre une mère éternellement critique et une sœur qui réussit tout toujours mieux qu’elle, la vie sentimentale de Maite se réduit comme peau de chagrin, à l’image de son existence terne et morne. Son paradis secret réside entre les pages du journal qu’elle achète sans faute toutes les semaines et qui lui offre de brèves escapades grâce à ses feuilletons romantiques et autres histoires d’amour. Mais peut-être à cause du retour à la réalité qui n’est que plus dur à chaque fois, Maite rêve et recherche avidement un évènement qui viendrait pimenter sa destinée…

Non loin d’elle, dans la même ville de Mexico, Elvis, membre d’une milice d’oppression gouvernementale, ressent lui aussi la vacuité de son sort. Néanmoins, comme son travail consiste à broyer les côtes d’étudiants dissidents, il n’est pas bon de se poser trop de questions. Et l’insécurité ne fait que s’accroître au Mexique, aux prises avec une répression féroce : la jeunesse descend dans les rues et se révolte. Le poste d’Elvis, seule opportunité qui lui a été donnée pour échapper à son existence misérable, devient de plus en plus incertain. C’est pourquoi, lorsqu’une jeune fille prénommée Leonora disparaît avec une pellicule contenant des clichés compromettants pour le gouvernement, Elvis ne rechigne pas à se lancer sur sa trace, dans une nouvelle mission.

Mais il se trouve que Leonora est aussi la voisine de Maite, et que sa disparition pourrait très bien être le grain de folie que cette dernière attendait pour égayer son existence. Comme on s’en doute, les destinées de l’éternelle romantique et de l’amoureux du rock’n’roll vont s’entremêler, au travers de kidnappings, de manifestations réprimées et d’espions russes…

Mon avis :

Roman très attendu après le précédent, Mexican Gothic, Velvet Was the Night a répondu à mes attentes par certains aspects. Mais il m’a déçue par d’autres. Néanmoins, commençons par les côtés positifs.

L’atmosphère est, tout comme dans le précédent ouvrage mentionné, saisissante et même envoûtante. Ne connaissant quasiment rien du Mexique, je ne saurais dire si les descriptions et les évènements « historiques » sont véridiques ou enjolivés. Toutefois, je me suis complètement fait prendre au jeu. Le folklore, allié à l’ambiance tendue engendrée par les espions infiltrés dans toute la ville sont rehaussés par les ciels éternellement pluvieux de Mexico qui déversent leurs flots sur le petit appartement de Maite. On écoute avec elle, pelotonnée dans son fauteuil, un disque de rock, tout en savourant la douce voix d’un couple d’amants fictifs. En somme, je pourrais presque parler de perfection atmosphérique.

Cependant, et c’est là que les choses se gâtent : l’intrigue est tout compte fait assez banale. Deux jeunes (plus si jeunes) personnes insatisfaites se rencontrent au hasard des circonstances. Chacune de son côté va enquêter sur la disparition d’une jeune femme, jusqu’à ce que – tous ceux de prime abord sympathiques s’étant révélés de parfaits méchants – elles soient forcées de s’adresser la parole et de nouer des liens (amoureux s’entend).

De plus, les péripéties policières, qui partaient sur de si bonnes bases au milieu de milices et d’espions, n’ont une résolution que trop tirée par les cheveux, et donc décevante.

Enfin, les personnages sont certes attachants et relativement étoffés (notamment Maite qui ne peut se raccrocher qu’à ses goûts de midinette pour trouver du plaisir dans son existence), mais qui ne reconnaît pas, sous la surface, le sempiternel canevas de la femme en devenir qui attend son prince charmant – même si celui-ci est un cogneur professionnel ? En conclusion, j’ai tout de même préféré ce roman à son prédécesseur, Mexican Gothic, somme toute, trop conventionnel (vieille masure hantée et isolée de toute civilisation – voir ma critique ici). La lecture est agréable, mais on remarque tout de même des caractéristiques récurrentes dans les œuvres de Silvia Moreno Garcia, telles qu’un important travail mis dans l’atmosphère du récit, mais une intrigue manquant d’étoffe. Si ce déséquilibre n’est pas trop dérangeant, il peut néanmoins devenir lassant.