L'or noir des steppes: Voyages aux sources de l'énergie
de Sylvain Tesson, Thomas Goisque (Dessin)

critiqué par Catinus, le 24 mai 2022
(Liège - 72 ans)


La note:  étoiles
Le Grand Jeu pétrolifère caucasien
Grand et infatigable aventurier, Sylvain Tesson a été voir ce qui se passait du côté de Caucase. Les pourtours des mers d’Aral et Caspienne regorgent de gaz et de pétrole. Dans un monde secoué par des conflits divers, voici un nouvel Eldorado : le Grand Jeu pétrolifère caucasien.

Extraits :

- Il aura fallu six cents millions d’années à l’or noir pour se constituer, deux siècles aux sociétés pour le consommer. Il ne faut que quelques minutes aux Nouveaux Russes et aux Nouveaux Kazakhs pour en flamber les fruits dans des villes fiévreuses et vulgaires.

- Les coûts et les pollutions engagés par l’acheminement de ces biens depuis les lieux de production jusqu’à la table des consommateurs s’accumulent jusqu’à former, pour chacun de ces produits déracinés, une contre-valeur abstraite, une sorte de passif énergétique que l’on appelle « énergie grise ». Le steak de viande chilienne importé par avion jusqu’à l’usine de conditionnement belge et expédié de là sur l’étal d’un boucher espagnol recèle en ses tissus une énergie grise immensément importante.
Voyage aux sources de l’énergie 7 étoiles

»Devant l’or noir, nos sommes ignorants, ingrats et blasés.
Je suis parti aux sources de l’énergie pour me corriger.
Mon idée était aussi simple que le tracé d’un oléoduc : cheminer doucement aux côtés du brut. Retracer le trajet parcouru d’une goutte d’huile de roche de son lieu d’extraction jusqu’aux ventres des supertankers. Décrire la saga de l’or noir. Camper ses décors, ses acteurs, ses enjeux, sa grandeur et ses servitudes.
Restait à choisir un lieu.
La région caspienne est le théâtre de nouveaux appétits pétroliers, depuis que les gisements de cette mer fermée ont été reconsidérés à la hausse après l’effondrement de l’Union soviétique. La mer fermée s’est ouverte aux appétits mondiaux à partir de 1991. La fièvre d’un nouveau Grand Jeu énergétique s’est emparée des pourtours caspiens. Russes, Chinois, Américains, Azéris et Kazakhs mènent autour de la mer la danse de la convoitise. »


Voilà le tableau brossé. Et donc, en 2006, voilà Sylvain Tesson en compagnie du photographe Thomas Goisque, embarqué à pied dans un périple au fil des oléoducs depuis l’Ouzbékistan jusqu’à Ceyhan, en Turquie, en traversant Kazakhstan, Azerbaïdjan, Géorgie et Turquie.
Alors il ne s’agit pas d’une relation linéaire d’un périple à pied, en vélo et en jeep. Plutôt l’occasion de considérations – très actuelles – sur les enjeux de l’or noir, ses conséquences sociales, écologiques et politiques. Le tout largement illustré des photos d’une tristesse absolue (de par le sujet) de Thomas Goisque. Considérations aussi sur l’acte du « voyage », un voyage quasi consubstantiel de toute l’œuvre de Sylvain Tesson.
Un ouvrage intelligent et instructif au plus haut point. D’autant dans la situation géopolitique actuelle !

Tistou - - 67 ans - 7 mai 2023