Fragments
de Marilyn Monroe

critiqué par Poet75, le 20 mai 2022
(Paris - 68 ans)


La note:  étoiles
Dans la tête de Marilyn
Déjà éditées en 2010 puis, sous format « poche », aux éditions du Seuil, en 2012, les écrits intimes de Marilyn Monroe ressortent aujourd’hui dans une superbe publication, très soignée, présentant les fac-similés des textes originaux et leur traduction sous forme dactylographiée. Mais, outre l’admirable présentation de l’ouvrage, c’est surtout l’occasion de découvrir une tout autre facette de la star que celle que nous connaissons tous, par le biais des films qui l’ont rendue mondialement célèbre.
Toute sa vie, en effet, de manière sporadique il est vrai, Marilyn Monroe a rédigé, dans des carnets, des notes, peut-être pour mieux analyser ce qu’elle éprouvait ou, peut-être, pour exorciser, en quelque sorte, des hantises. Ces écrits, assez décousus et constellés de fautes d’orthographe, n’en sont pas moins précieux pour quiconque éprouve le souhait de connaître la star autrement que par les apparences. Il est vrai que des livres, comme l’excellent Blonde (1999) de Joyce Carol Oates, ont eu pour ambition de retracer l’entièreté ou une partie du parcours de l’actrice, mais, comme l’écrivent les éditeurs de Fragments, « entrer dans ce livre, c’est entrer dans la tête d’une femme née dans la pauvreté, avec une mère souvent absente pour raisons médicales, sans père reconnu, ballottée de familles d’accueil en orphelinat, et qui a su s’arracher à un destin médiocre par une quête incessante de la perfection et de l’absolu, dans son art comme dans sa vie ».
Sachant cela, ayant connaissance de son enfance et de son adolescence chaotiques, on n’est pas surpris des nombreuses fautes d’orthographe ou de syntaxe que commettait l’actrice. Mais, cet aspect, on a vite fait de l’oublier à la lecture des textes rédigés par Marilyn, tant ils expriment une sensibilité très fine, un effort constant d’auto-analyse, un désir irrépressible de toujours faire mieux. Ses lacunes, elle s’est toujours efforcée de les combler, lisant avec gourmandise les grands écrivains, suivant des cours d’histoire de la littérature et d’histoire de son pays, etc. Mais, ce qui apparaît avec le plus de force dans ses écrits, c’est une forme de recherche d’absolu. Non pas expressément orientée vers le divin (il n’en est jamais mention, me semble-t-il) mais plutôt vers l’épanouissement d’un amour total. Or, beaucoup des écrits de Marilyn expriment son insatisfaction, sa déception, sa solitude, son désarroi. Sans rapport avec l’image que l’on a voulu donner d’elle dans la plupart de ses films, Marilyn fut une femme en proie aux doutes, toujours soucieuse de se perfectionner, souvent malheureuse ou désemparée.
Lire les écrits intimes de Marilyn Monroe devrait, je l’espère, contribuer à chasser définitivement des esprits le stupide cliché qui associe systématiquement les belles femmes blondes à la frivolité et au peu de jugeote. Bien au contraire, comme l’écrivent encore les éditeurs des Fragments, « il découle de tout cela une personne cultivée et se cultivant, curieuse, avec une forte volonté de comprendre (les autres, le monde, le destin) et de se comprendre. » Et, plus loin : « …rien de sale, pas de potins dans ces inédits. L’intimité sans tapage, l’enregistrement sismique de l’âme. Cela n’enlève rien au mystère de Marilyn. Il en acquiert simplement un peu plus de substance. Elle fut un astre insaisissable, doté d’une force magnétique qui déréglait toutes les boussoles dont elle s’approchait. Aujourd’hui encore, elle apparaît comme une référence indémodable. »