La Saint Tous là
de Tangi Colombel

critiqué par CC.RIDER, le 14 avril 2022
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Une famille formidable
Dans les années quatre-vingt, à Loudéac, Berlureau, le père et Marie-Madeleine, la mère dite Marie Moitié, et leurs quatre enfants, Nolwenn, l’aînée, Emmanuelle, le « bébé », la « fleur différente », Marine et Tangi, le petit dernier et le narrateur par la même occasion, forment une jolie famille, bruyante et chaleureuse. Tout ce petit monde vit heureux et insouciant dans une maison aux murs de granit et au toit d’ardoises dans une propriété spacieuse jusqu’au jour où l’entreprise familiale de pierres tombales où travaille Berlureau doit déposer le bilan. Et là, « une chape de plomb » s’abat sur l’enfance joyeuse de Tangi. Le père, devenu chômeur, ne retrouve pas de travail, mais fait contre mauvaise fortune bon cœur en se déclarant « homme au foyer ». La famille commence à tirer le diable par la queue, à voir les factures impayées s’accumuler et à se retrouver avec l’électricité coupée. Cela n’empêche pas Tangi et sa complice Marine de se livrer à toutes sortes de facéties comme grimper sur le toit de la maison pour marcher le long des gouttières ou aller nuitamment dans le cimetière pour y fouiner dans un vieux caveau…
« La Saint Tous là » est un charmant récit autobiographique qui ne peut laisser personne indifférent. Le jeune Tangi grandit au sein d’une famille formidable, chaleureuse, résiliente, attachante, ouverte aux autres. Chez les Loiseau, la porte est toujours ouverte et les éclopés de la vie y séjournent volontiers pour y reprendre des forces. On a peu, mais on partage. On n’a pas beaucoup de sous, mais on fourmille d’idées pour s’en sortir, comme collecter des centaines de bouteilles vides pour récupérer l’argent de la consigne. Tangi, huit ans, rêve de passer à « l’Ecole des Fans » la célèbre émission télé de Jacques Martin. Il s’imagine déjà brûler les planches comme acteur ou comme chanteur, ce qu’il réalisera plus tard, de l’autre côté de l’Atlantique. On a dit qu’on ne pouvait pas faire de bonne littérature avec de bons sentiments. Tangi Colombel a fait mentir l’adage, car il a su trouver un ton léger, un brin décalé, un style fluide et agréable plein d’expressions truculentes, de néologismes amusants et de trouvailles lexicales (« carlingue branzigueulante », « faire du tarapompon », « trichobézoards de chats », etc.) pimentées de quelques mots de breton heureusement traduits en bas de page. Il a su trouver les mots « bleus » pour parler d’Emmanuelle, sa sœur handicapée mentale dans un chapitre particulièrement touchant. Rien que pour ce passage (et pour tout le reste d’ailleurs), il faut absolument lire ce livre plein d’émotion, de pudeur, de franchise, d’honnêteté et de tendresse. Ça fait un bien fou en ces temps sinistres !