Le temps de la colère
de Tawni O'Dell

critiqué par Nirvana, le 23 septembre 2004
(Bruxelles - 52 ans)


La note:  étoiles
Une terrible plongée dans de noirs secrets familiaux
Je vous le dis tout de go: c'est un magnifique premier roman (pour la petite histoire, c'est un septième manuscrit, six avant furent refusés par des éditeurs), de la même veine que "Le Prince des marées".
Depuis deux ans, la mère d'Harley est en prison, pour avoir tué son mari d'une balle dans le dos. En réponse aux constantes violences dont il faisait preuve sur ses enfants, croit leur fils.
Harley s'est vu confronté à un choix terrible à l'aube de sa vie: soit il voit sa famille démembrée, ses soeurs envoyées en famille d'accueil, soit il devient soutien de famille.
Depuis lors, Harley a dû mettre au placard ses rêves d'université et de conquêtes féminines pour s'occuper, ou plutôt tenter de maintenir debout son foyer: Amber, 16 ans, Misty, 12 ans et la petite Jody, 6 ans .
Il se partage entre deux petits boulots pour joindre les deux bouts, et essaie de s'imposer dans sa cellule familiale, dans le climat perpétuel d'agressivité qui est leur lot quotidien, en réponse au drame qui a dévasté leur vie.
Tâche d'autant plus difficile qu'Harley est seul, ses amis ont quitté la petite ville minière pour poursuivre leurs études, et il est fort jeune, encore à la recherche de son identité.
Habité par une fureur extrême, qui lui fait venir d'horribles pensées, à la limite d'hallucinations, il se débat avec lui-même, malgré l'aide de sa psychologue "commise d'office" après le drame, Betty.
L'avenir semble plus rose quand il se rapproche de Callie, jeune mère délaissée par son époux, qui a une enfant du même âge que Jody. De rencontre en rencontre, Harley, qui n'ose y croire, suscite l'intérêt de la jeune femme, et une liaison s'ébauche entre ces deux âmes un peu perdues, en mal d'amour.
Harley décide alors, chose qu'il avait refusée jusque là, de visiter sa mère en prison, mais va découvrir que le jour du meurtre beaucoup de choses lui ont été dissimulées. Que s'est-il passé réellement?
Leur père, au-delà des terribles violences dont il a fait preuve sur lui et ses soeurs, est-il bourreau, seulement, ou aussi victime?
Harley va devoir affronter de bien horribles secrets....
C'est un récit dur et poignant, ponctué de l'humour désespéré d'Harley.
Je comprends et acquiesce quand je lis que l'éditeur compare ce roman à "L'attrape-coeur", dans le ton du récit que nous fait Harley.
Mais quelle noirceur, quel désespoir dans cette plongée dans les drames et secrets de cette famille!
La violence récurrente, l'auteur s'en sert avec brio pour nous faire pénétrer les sombres pensées d'Harley. On a le coeur serré, on espère qu'il ne sortira pas complètement broyé par toutes les révélations qu'il devra affronter.

Cinq étoiles dans la catégorie Drame!
Au bout de la violence 9 étoiles

On n’est égaux qu’en droit et encore ! Harley a reçu un lourd fardeau en héritage quand sa mère tue son père, il se retrouve alors avec trois frère et sœurs sur les bras qu’ils décident d’élever, ou plutôt d’essayer d’élever tant la violence fait partie du quotidien de cette famille détruite. Pour assumer son rôle de frère aîné responsable, Harvey doit faire un trait sur tous ces rêves : carrière, amis, amours,… et dominer ses propres démons qui le poussent à la révolte contre toute cette haine qui l’entoure.

Mais au plus noir de la misère une petite lumière s’allume quand Callie entre dans sa vie avec un peu d’amour et d’humanité qui lui permettent de remonter le fil de son histoire en rencontrant sa mère qui l’aide à raccommoder les morceaux qui y manquent et qui l’emmèneront au bout de la tragédie où il trouvera peut-être un moyen de sortir de la machine implacable de la violence ordinaire.
Sur un fond de violence qui règne au quotidien dans l’Amérique des délaissés, cette tragédie évoque aussi les thèmes de la destinée et du sacrifice personnel par devoir familial. Quelque chose comme :

« Dis moi Céline, les années ont passé.
Pourquoi n’as-tu jamais pensé à te marier ?
De tout’ mes sœurs qui vivaient ici
Tu es la seule sans mari.

Mais non, Céline, ta vie n’est pas perdue.
Nous sommes les enfants que tu n’as jamais eus. »

Mais avec la violence et la haine en plus.

Un diantre de bouquin qui secoue tant il est difficile d’accepter de voir ces gamins en prise avec une violence tellement banale, tellement fatale et finalement inéluctable.

Débézed - Besançon - 77 ans - 7 avril 2008


palpitant 10 étoiles

Un pur drame.
Si j'avais 20 ans de moins, voilà comment je qualifierais ce roman.
Si j'avais 20 ans de plus, je trouverais sûrement les mots précis et délicats pour exprimer le flot d'émotions contradictoires que déclenche ce roman.
Mais là, à mon âge et après coup, je sèche.
Je cale parce que c'est un sacré bon roman, qui remue bien, qui est à la fois triste et drôle, déchirant et réjouissant.
Une intrigue construite, des personnages criants de vérité, une situation pourrie, une succession de drames.
Harley n'a pas fini de hanter ma mémoire....

Cuné - - 57 ans - 12 octobre 2005


un livre fort et violent, bouleversant 10 étoiles

La critique de ce livre par Nirvana est parfaite. La comparaison avec Le Prince des Marées, qui est un de mes livres préférés, m'avait donné envie de le lire. L'écriture est ici plus violente, plus noire, plus crue, malgré l'humour désespéré d'Harley. On ressort de ce livre secoué, comme après la lecture de Shutter Island, de Denis Lehanne. Ames sensibles abstenez-vous... Les autres, foncez!

Bréhec - paris - 66 ans - 21 novembre 2004