Les survivants
de Alex Schulman

critiqué par Monocle, le 9 mars 2022
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
Le silence peut tuer
Un chemin forestier qui mène à une propriété. Une maison est là-bas, isolée sur la pointe, dans la nuit de juin jamais tout à fait noire. C’est une simple maison de bois bizarrement proportionnée, un peu plus haute qu’il ne le faudrait. La peinture blanche des angles est écaillée, le bois rouge de la façade sud brûlé par le soleil. Les tuiles sont soudées par la mousse, le toit ressemble à une peau d’animal préhistorique.
Qu'est-ce qui a poussé cet homme et cette femme avec leurs trois enfants : "Benjamin, Pierre et Nils" à déserter la ville pour s'isoler dans l'immensité de la Suède ?
On sait peut de chose sur les parents ; ils travaillent peu, boivent beaucoup, sont tolérants envers les enfants sauf pour quelques détails.
Maman pleure beaucoup, papa lui essaie de dormir où il peut.
On vit donc, dans la petite maison, on parle mais on ne se dit jamais rien. Il n'y a jamais rien de profond.
A son décès, Maman (puisqu'on ne l'appelle que comme telle) écrira à l'intention de ses enfants un simple feuillet couvert recto verso de son écriture reconnaissable, à certains endroits peu lisible et pourtant clair comme de l’eau de roche, exempt du moindre doute, un texte qui tisse sa trame entre les décennies, reliant toute chose à la fermette, une simple petite lettre remplie de tout ce qu’ils avaient tous au bord des lèvres, mais qui n’avait jamais été dit. Et ce qui a été tu est redoutable.

Le lecteur va donc suivre la famille dans deux trames : celle de leur enfance et puis quand à l'âge adulte il vont ensemble retourner à la petite maison près du lac déposer les cendres de leur mère défunte.

Oui, ces trois garçons, par le laxisme et le trop plein de chagrin de ce couple qui n'en était pas un, sont parvenus malgré tout à l'âge adulte vivants et presque entiers !

Oui Alex Schulman a fait le bon choix en réalisant une narration segmentée. Cela ne fait que glisser des indices pour comprendre le pourquoi du comment (une amie dirait "la peur qui fait peur"). La technique est délicate pour un jeune auteur mais dans le cas présent, fort bien maîtrisée.
Une impression seulement qui m'a interpellé... une tendance à "américaniser" les attitudes des acteurs... mais ce n'est peut-être qu'une impression, n'ayant jamais été en Suède.
Un très touchant moment de sensibilité. Bien sûr on n'arrive pas encore à la perfection de... OU VIVAIENT LES GENS HEUREUX de Joyce Maynard ! Mais on s'y approche.