Trilogie sale de La Havane
de Pedro Juan Gutiérrez

critiqué par Grass, le 20 septembre 2004
(montréal - 47 ans)


La note:  étoiles
Du rhum, des femmes et de l'herbe, nom de Dieu!
C'est dans le Cuba à la dérive des années 90 que prend place ce genre de journal, alors que l'auteur exerce de menus boulots peu valorisants pour survivre. Si on se promène d'un personnage du quartier à l'autre - sans oublier d'accrocher quelques touristes au passage - et que l'atmosphère générale est empreinte de rhum, de ganja et de gros sexe(s) sale(s), il n'en reste pas moins qu'on en ressort avec une impression générale de solitude, de tout le bien et le mal qu'un homme de quarante-quatre ans qui n'a jamais arrêté de vivre peut retirer de la carapace qu'il s'est forgé au fil des ans.

Les fans de Miller et de Bukowski ne seront certainement pas déçus, d'autant plus que les tropiques offrent un décor où les vices l'emportent sur la morale.
Banalité de la misère 5 étoiles

Cuba dans les années 90s, ce n'est pas une sinécure. La misère endémique s'est répandue et le peuple meurt des privations que l'isolement voulu par les Américains a provoquées.

Dans de multiples petits textes, autant d'épisodes de sa vie misérable dans les rue de La Havane, Pedro Juan Guttierez nous livre une image désastreuse de la vie du peuple a cette époque: comment des gens peuvent-ils supporter de vivre ainsi? Entassés dans des logements insalubre, privés du nécessaire, pas d'eau pas de nourriture, la maladie, la violence exacerbée par la drogue et la prostitution...

Un langage cru et très salace rythme la descente aux enfers...le sexe, l'alcool, l'herbe y sont omniprésent. Parfois difficilement supportables, ces petites nouvelles constituent in fine un bon document, une certaine qualité littéraire en plus. La répétition des épisodes sur plus de quatre cent pages finit cependant par lasser...

Vince92 - Zürich - 47 ans - 4 mai 2013


L'ENFER SUR TERRE!.. 10 étoiles

Trilogie sale à La Havane comme son nom l'indique est en fait composé de trois livres, qui sont en fait des nouvelles, qui sont en fait le journal de l'auteur au cours des années 1994-1997. Le journal se compose de courts récits (parfois de quelques pages seulement) qui racontent l'auteur.

En effet que ce soit dans "Ancré dans une terre vacante" (qui couvre l'année 1994), dans "Rien à faire" (qui couvre l'année 1995) ou dans "Le goût de moi" (qui couvre l'année 1997), Pedro Juan GUTIERREZ nous parle de sa vie quotidienne, au jour le jour, pour tenter de survivre dans cette La Havane, qu'il aime tant, et qu'il sait si bien décrire, si bien écrire...
Et pourtant en 1994 au plus fort de la crise, cette ville est privée de tout, d'eau, d'électricité, de nourriture, et même de ses habitants qui fuient l'île par milliers vers Miami qui apparaît à leurs yeux comme un véritable eldorado!

Sa vie est une horreur! Les privations sans fin, la faim, la recherche quotidienne d'un boulot ou d'une combine pour trouver de quoi survivre, la police, la prison, la prostitution, les meurtres, la criminalité, les suicides par dizaines de gens qui n'en peuvent plus... Les immeubles qui tombent en ruine, les gens toujours plus nombreux qui s'entassent dans des chambres toujours plus petites, la saleté et les ordures partout, les vols, la crasse des gens, les menus larcins, la vente et la revente du plus petit objet pour gagner quelques pesos et survivre un jour de plus!..

Mais encore la "ganja", l'alcool et surtout le sexe, le sexe à profusion, à l'excès, à se faire exploser, à en mourir, car ce sont les seuls véritables remèdes qui permettent d'oublier, de s'oublier et donc de survivre,...
On hallucine littéralement en lisant certains passages, c'est l'enfer sur terre qu'on nous décrit là!... On a peine a y croire et pourtant tout est rigoureusement vrai... D'ailleurs l'auteur vit encore aujourd'hui à Cuba!

Une écriture au scalpel, dure, prenante, précise, brute, instantanée, sans concessions, sans fioritures, sans pathos, sans compassion, sans démonstrations, sans politique!... Qui décrit la ville et ses habitants dans la réalité, leur réalité dure, très dure réalité, de tous les jours et c'est tout!

Une écriture éclatée, des phrases courtes, prenantes, qui interpellent le lecteur, par leur beauté, leur dureté, et puis au détour d'une phrase on se surprend à sourire et même à franchement rire!.. On pense à Henry MILLER, à Charles BUKOVSKY, même si personnellement c'est plus souvent Ernest HEMINGWAY qui me venait le plus souvent en tête!

Attention toutefois, âmes sensibles s'abstenir : le langage cru et le réalisme explicite de certaines scènes, notamment de sexe, peuvent rebuter certains lecteurs...

Un livre culte, qui mériterait d'être beaucoup plus lu, par un auteur extraordinaire qui mériterait d'être beaucoup plus connu!

Septularisen - - - ans - 10 septembre 2010


"tout est permis sauf la défaite" 10 étoiles

La Havane, début des années 1990s. Dans le Cuba désenchanté de Fidel Castro, une ile qui fuit de ses propres citoyens par tous les pores -réduits à s'échapper à bord de pauvres rafiots vers le "rêve américain"-, un pays alors rongé par l'une des pires famines de son histoire, Pedro Juan Gutiérrez tient un journal.

Ancien journaliste il en a eu marre d'être réduit à un petit chien aboyant de la propagande minable, dont tout le monde se fout de toute façon. Il a claqué la porte au nez de sa carrière, et le voila donc : un pauvre parmi les pauvres, à l'horizon bien limité, tentant son mieux pour faire en sorte que demain vienne.

Loin du Cuba des brochures pour touristes Gutiérrez nous dépeint La Havane telle qu'elle est pour ses habitants : sale, violente, obscène, triste et pourtant, planté au coeur d'une telle morosité, comme la plupart des cubains l'auteur a encore la force de se battre, savourer la vie sans trop en espérer beaucoup. "Tout est possible, tout est permis, sauf la défaite".

Vicieux, passionné, tumultueux, une claque et un vertige, cela faisait longtemps qu'un livre ne m'avait fait autant vibrer !

Des petits trafics, du marché noir, la prostitution, la prison, la marijuana et le rhum, du sexe, beaucoup de sexe, on suit ses pérégrinations lui qui, même s'il s'avoue cynique, refuse de sombrer dans le pessimisme. Il ne se prend pas au sérieux, c'est tout. Au-delà des gueules de bois et des scènes de baise, des portraits affligeants ou choquants de la faune qu'il côtoie, il y a en effet beaucoup d'autodérision dans cet étalage qui, oui, fait penser à Henry Miller.

Son langage cru, taillé au scalpel pour décrire une "réalité sale" ne plaira pas à tout le monde. En ce qui me concerne ce livre est rentré dans mon top 10.

Culte.

Oburoni - Waltham Cross - 41 ans - 23 avril 2010