Lefranc, tome 4 : Le repaire du loup
de Jacques Martin (Scénario), Bob De Moor (Dessin)

critiqué par Eric Eliès, le 22 janvier 2022
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Une enquête au scénario subtil et habile, sur fond de vengeance dans un village de montagne
C’est Shelton qui, en l’évoquant avec une jubilation communicative dans sa présentation du dernier Lefranc « les juges intègres », m’a donné envie de combler une regrettable lacune car il était dommage que cet album, peut-être le meilleur de la série (en tout cas, je partage l’avis de Shelton sur sa qualité) et d'ailleurs le seul que je possède, n’ait pas encore eu l’honneur d’une critique sur CL !

Le dessin, en ligne claire très représentative de l’école belge, met remarquablement en valeur les paysages alpestres d’une enquête menée par Lefranc dans un paisible village de montagne, dont la tranquillité est troublée par la prochaine inauguration d'un barrage et par d’étranges explosions… Que signifient-elles, qui les commet et pourquoi sont-elles signées d’une tête de loup ? A la demande du maire, Lefranc va mener l’enquête et, en exhumant les secrets du passé, dévoiler les motifs d’une terrible vengeance. Que dire sans trop en dire ? Après que le village a été coupé du monde par l’explosion d’un pont, le scénario installe habilement une ambiance de huis-clos où s’opère un subtil basculement tandis que Lefranc découvre peu à peu qu’on tente de le manipuler et que les victimes ne sont pas aussi innocentes qu’elles voudraient le faire croire. Contrairement à d’autres albums un peu grandiloquents, tous les personnages sont ici humains et complexes, et l’intrigue, qu’on pourrait croire inspirée d’une véritable histoire d’escroquerie, illustre parfaitement les méfaits de la spéculation immobilière et de la transformation du monde rural, où comment un paisible village de montagne se transforme en repaire de vautours…

La bande dessinée, presque dénuée d'action (même s'il y a quand même quelques scènes de poursuites et des coups de feu), est riche de suspense mais c'est surtout la remarquable épaisseur humaine des personnages (notamment celle des "terroristes", aveuglés par le chagrin et la douleur), qui fait de cet album une pépite qu'on lit et relit avec plaisir. Je n'ai pas lu tous les "Lefranc" donc je ne saurais dire, au final, si c'est le chef d'œuvre de la série mais c'est, sans aucun doute, l'album que je préfère de tous ceux que j'ai lus dans cette série !
Une réussite totale 10 étoiles

Ce quatrième "Lefranc" est historique, car il s'agit du premier pour lequel son créateur, Jacques Martin (qu'enfant, quand je lisais son nom sur les couvertures des albums d'"Alix" à la bibliothèque municipale, je confondais avec le fameux animateur ; disons plutôt que je pensais, gamin, que c'était le même Jacques Martin, ah ah ah... hum) n'a signé que le scénario, déléguant les dessins à un autre. Et quel autre : Bob DeMoor, excusez du terriblement peu. Dès le tome 5, le dessinateur changera (et restera quelque temps), mais là, c'est donc DeMoor, qui signe un boulot excellent de parfait copiste (il faut voir comment il a ressuscité le tome 2 des "3 Formules du Professeur Sato", de "Blake & Mortimer"). Martin était trop pris par "Alix", qu'il signera scénario et dessins pendant 19 albums avant de, là aussi, déléguer le dessin. Pour "Lefranc", il a n'aura donc fait, paroles et musique, que 3 albums, tous remarquables d'ailleurs.
Et ce quatrième, "Le Repaire du loup" ? Se passant, comme l'essentiel du précédent album, à la montagne, c'est une totale réussite, une sombre histoire de vengeance, que l'on dévore plus qu'on ne la lit, durant 48 pages (par rapport aux 64 pages des 3 précédents opus) magistrales. C'est apparemment le préféré de beaucoup de fans, c'est le mien également, du peu que je connaisse, pour le moment, de la série (les 5 premiers tomes). Le suivant n'est vraiment pas mal non plus, au passage, mais je m'arrête là, je serais hors-sujet.

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 23 octobre 2023