Elégies paisibles
de Pierre Yerlès, Catherine Podolski (Dessin)

critiqué par Débézed, le 20 janvier 2022
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Poésie testamentaire
Yerlès, ce nom je le vois souvent dans le générique des séries télévisées que je regarde pour me détendre après une journée de lecture ou d’écriture. Je connais le bien comédien qui se cache derrière ce nom mais je ne savais pas qu’il avait un père qui maniait la plume avec une telle adresse. Encore une fois, Claude Donnay nous fait découvrir un poète talentueux comme il en a déjà révélé un bel aréopage.

Pierre Yerlès n’est plus un jeune homme, l’âge avançant il sait que son existence devient de plus en plus précaire et qu’il devra affronter sa fin dans un avenir de plus en plus proche, il a donc décidé de prendre la plume pour laisser une trace de son passage sur terre déjà bien marqué par une longue et belle carrière professionnelles. Il explique sa démarche dans les premiers vers du premier poème de ce recueil :

« Ca m’est venu / comme une poussée d’urticaire / ou bouton de fièvre // … »
« Ainsi sont nées ces élégies / de mes quatre-vingt-trois ans / humble liturgie / de nos derniers instants ».

Ces élégies, comme il dénomme ces poèmes, même si elles évoquent la mort prochaine, m’ont semblées plus mélancoliques que tristes, j’ai même ressenti une belle résilience et une réelle sérénité sous la plume de l’auteur au moment de transmettre ce que l’on peut considérer comme un testament à l’intention de ceux qui lui sont chers et même de tous ses lecteurs.

« Enfants, petits-enfants / amis connus / et lecteurs inconnus / qui parès moi vivrez / je vous lègue ces chants / de fin de vie / en guise de psalmodie / de mes dernières vérités ».

Dans ces textes, il évoque, évidemment, la mort, la femme dans laquelle il fusionne toutes celles qui ont marqué son existence, la vie, les raisons d’être, de vivre…, le monde réel et toutes ses misères, l’autre monde et ses inconnues, l’entre ces deux mondes, le passage d’un monde à l’autre, l’après avec toutes les interrogations qu’il comporte. Et les aigreurs, amertumes, déconvenues, inquiétudes, qu’il a ressenties et qu’il laissera à ses successeurs.

« Qui l’eût cru / qu’à mes heures du soir / au couchant de ma vie / je connaitrais / à certains moments / plutôt que les doux reposoirs / d’une sage vieillesse / les poisons d’une bile noire / …. »

Pierre possède une réelle qualité de versification, son vocabulaire est riche et varié, il glisse dans ses poèmes des images, des formules de style, des allusions, des évocations, des citations, …, dont la variété et l’expressivité contribuent notoirement à la richesse poétique de ses textes, à l’émotion qu’il transmet et au rythme et à la musique qui bercent ses vers. Les références, les citations, les dédicaces, les emprunts, les inspirations, … à de grands auteurs montrent l’étendue de sa culture.

Toutes ces qualités littéraires et culturelles lui permettent d’évoquer avec beaucoup de conviction, de poésie et d’émotion, le monde tel qu’il est devenu aujourd’hui, tel qu’il va le laisser, le monde dans toute son intégralité et ses composantes jusqu’à la Chine, la Nouvelle-Zélande et d’autres horizons encore. Laissant à ses héritiers, comme tout bon testataire, quelques recommandations :

« Je puis considérer / sans trop de peine / être arrivé au terme / de mon humaine randonnée / et je regarde la mort en face / avec sérénité // … »
« Enfants / songez à votre père / quand il mourra / et rappelez-vous / ce que prédisait La Fontaine / … »
« La ruche la dernière ruche / de notre jardin / qui de vous s’en chargera demain ? »

Et, comme pour signifier que sa mort n’est pas un événement, il rappelle que :

« A chaque coup de balancier / de notre horloge planétaire /pelletées de morts par milliers / emplissent les cimetières // … »
Je dois aussi ajouter que la préface d’Alain Dantine introduit à merveille les poèmes du maître et que les dessins de Catherine Podolski les illustrent joliment.