Rimbaud et moi
de Collectif

critiqué par El Gabal, le 19 janvier 2022
(Strasbourg - 36 ans)


La note:  étoiles
Rimbaud et moi
L’ouvrage « Rimbaud et moi », qui rassemble 59 artistes de par le monde et publié aux éditions du Pont de l’Europe, sort alors qu’une polémique pour savoir si Rimbaud et Verlaine doivent entrer au panthéon, bat son plein. L’absurdité d’une telle proposition a de quoi laisser pantois. Outre que les vies de nos deux auteurs furent loin d’être exemplaires à plus d’un titre, il convient de rappeler qu’elles se sont érigées sur le mépris de toute valeur institutionnelle et le rejet, inconditionnel, de toute forme de réappropriation bourgeoise venant de l’ordre établi. Mais il ne s’agit pas là de donner du grain à moudre à ceux qui confondent hommage nécessaire et instrumentalisation de la mémoire nationale. Mais c’est bien d’hommage dont il est question avec ce livre. Par hommage, il faut exclure ici toute forme de complaisance. Certains participants de ce livre n’hésitent pas en effet à confesser ce pour quoi Rimbaud les a d’abord laissés de marbre. Avant de revenir sur les raisons qui expliquent pourquoi il est devenu indispensable à leur vie. Car Rimbaud n’est pas uniquement un poète surdoué aux vers impeccables, il est un centre essentiel pour qui tente de donner du sens à sa vie à travers l’écriture. Que Rimbaud soit on ne peut plus actuel, nul n’en doute, pas même ses quelques détracteurs. Ainsi, le poète et artiste belge Jan Theuninck voit dans la saison en enfer, un livre prophétique qui annonce les dérives totalitaires des XXè et XXIè siècles : « Rimbaud est toujours d’actualité, maintenant que nous vivons une saison en enfer dans une civilisation qui s’oriente vers un nouvel ordre mondial ». Mais que Rimbaud nous soit aussi absolument indispensable, telle est ou bout du compte la démonstration que nous dispense ce livre à travers des contributions toutes plus lumineuses que les autres, mais avec un dénominateur commun : un amour inconditionnel, qui est bien plus que du simple respect, pour le poète de Charleville et son œuvre. Avec sa série de portraits photographiques subversifs réalisée à New-York, David Wojnarowicz aura ainsi montré que le poète touche universellement artistes de tout lieu et de tout temps. Preuve nous est donnée que son mystère et sa force, loin de s’épuiser, ne font que s’accroître au fil du temps. Car comme le rappelle magistralement André Chenet, « à partir de ce météore vif-argent, la poésie accomplit non seulement un bond prodigieux mais s’expose à un retournement hallucinant qui la ramène aux incantations magiques des chamans, aux voyances vertigineuses des augures antiques, aux sources vivifiantes des langages prophétiques. » De sorte que si une aura sacrale doit encore envelopper le mystère Rimbaud, qu’elle ne nous vienne pas d’un désir institutionnel de panthéonisation, mais bien de la puissance intrinsèque de son œuvre conçue comme un acte magique de voyance illuminative."

Julien Miavril