Choucroute maudite
de Rita Falk

critiqué par Dervla3012, le 16 janvier 2022
( - 18 ans)


La note:  étoiles
Une enquête tout ce qu'il y a de plus cocasse dans un village d'illuminés du bac à sable
De quoi ça parle ?

À Niederkaltenkirchen, en Bavière, Franz Eberhofer, grand amateur de la cuisine de sa mémé (sourde comme un pot), des petits pains au fromage de foie de son ami Zimmerl et des balades avec son chien Louis II, est accessoirement le seul commissaire du patelin à ses heures perdues.

Il est vrai qu’après avoir travaillé dans les grandes (Ô Très Grandes) forces d’élite de Munich puis avoir été muté pour raisons disciplinaires (castration d’un pédophile par arme blanche) dans son village natal, haut lieu de la délinquance où un habitant vole la pelle et le râteau de son voisin tous les 36 du mois, il y a de quoi se décourager.

Mais que nenni ! Ce serait mal connaître Franz Eberhofer que de le penser capable d’une telle faiblesse. Il s’accorde parfaitement de sa situation, entre les bières chez Wolfi ; son passe-temps préféré : emmerder son frère Léopold (notamment en jouant sur ses échecs répétés avec les femmes) ; et d’occasionnels détournements et abus d’autorité afin d’éviter de payer des amendes ou de se plier à d’autres broutilles du même genre.

Aussi, lorsque la malédiction qui pèse sur la famille Neuhofer semble se manifester à nouveau, le commissaire est-il plus énervé qu’autre chose d’être tiré de son quotidien douillet. Il faut dire que chez les Neuhofer, on ne meurt jamais de façon classique (par exemple dans son lit, comme toute personne sensée). Le père électricien s’est fait électrocuter alors qu’il changeait son lave-vaisselle – un comble pour un homme de la profession ! La mère dépressive a été retrouvée pendue à un arbre dans la forêt et le fils aîné s’est fait écraser comme une crêpe par une benne. Ne reste plus que le fils cadet, qui s’empresse de vendre la maison familiale maudite. Franz, cependant, pressent qu’il y a anguille sous roche : tous ces décès coup sur coup sentent le traquenard, mais personne ne veut entendre parler de meurtre. Ceci s’explique en partie par la réputation du commissaire, connu dans les services pour avoir la gâchette facile et le caractère imprévisible.

Toutefois, lorsque le cadet lui-même succombe à un accident de scooter provoqué par la percussion d’une laisse de chien, Franz n’a plus le moindre doute. Ce sera à lui de trouver un moyen, entre deux plats de la mémé, pour élucider ce quadruple meurtre.

Mon avis :

Bon, je ne prétends pas ici faire la critique d’un grand roman de la littérature allemande. Ce n’est pas un classique (comme on le devine facilement). C’est pourquoi il serait injuste de ma part d’appliquer à Choucroute maudite les critères d’évaluation auxquels je soumettrais d’autres ouvrages plus sérieux. Tout simplement, si Rita Falk n’a nullement l’intention de nous offrir une vision nouvelle du monde ou de nous ouvrir les portes d’une réflexion profonde, pourquoi donc, nous lecteurs, en chercherions-nous une ?

Parenthèse mise à part, je donne à Choucroute maudite comme note finale : 4/5, car j’ai vraiment beaucoup aimé ! Commençons toutefois par le commencement : les personnages.

Ils sont tous chers à mon cœur désormais et c’est très rare que je ressente cela. D’habitude, il s’en trouve toujours un qui m’horripile et m’insuffle des envies de meurtres. Ici, tous plus loufoques et saugrenus les uns que les autres, il semblerait que les habitants de Niederkaltenkirchen soient tout droit sortis d’un jardin d’enfants. Que ce soit Franz, guidé par son estomac et sa légère mesquinerie pour parvenir à ses fins ; ses amis : le boucher et le tocard de chauffagiste (qui passe son temps à tromper sa femme (qui s’est déclarée en abstinence de gymnastique de matelas), mais qui, bien entendu, se fait perpétuellement découvrir, en raison de légères déficiences en matière de stratagème) ; ou la commère du village : Liesl Mooshammer, nous avons droit à un vrai festival en continu. Mon personnage préféré cependant reste la mémé : sourde comme un pot, avec des cors aux pieds, habillée de sweat-shirts pour enfant et cuisinant des plats à tomber par terre. Ce combo d’illuminés du bac à sable m’a fait éclater de rire de nombreuses fois, parfois à des instants peu opportuns. Je l’ai déjà constaté, il n’est pas fréquent qu’une lecture m’amène à extérioriser mes émotions : ces éclats de rire intempestifs sont donc le signe indéniable que ce roman possède un petit quelque chose en plus.

Maintenant : les péripéties, aka une enquête complètement abracadabrantesque. Tout est farfelu de bout en bout et c’est ça qui est bien. On y retrouve quelques caractéristiques de la série télévisée Les Petits Meurtres d’Agatha Christie – notamment le fait que l’enquête n’importe pas tant que les relations cocasses entre les personnages. Sans les amourettes de Franz avec la femme qui se joue de lui et ses voyages d’investigation sous couvert de vacances romantiques avec son ancien compagnon de voyage Rudi, le livre aurait-il toujours le même piquant ? Sûrement pas !

Bref, vous avez avec Choucroute maudite du divertissement littéraire en chausson de qualité ! Je n’ai pas pu le lâcher et aurais sans hésiter enchaîné avec le tome suivant si je n’avais eu d’autres lectures en cours. C’est ainsi qu’à mon grand désespoir j’ai découvert que seuls les trois premiers tomes de cette série étaient traduits en français. Oh, miséricorde ! Depuis ma lecture de ce roman, j’ai craqué et lu le tome 2 (Bretzel Blues) et suis en plein dans le tome 3 (Pression fatale). Toutes les bonnes choses ont une fin… à moins qu’un éditeur ne se décide à reprendre le flambeau.