Instants: Tercets - Hommage au Japon
de Carolyne Cannella

critiqué par El Gabal, le 10 janvier 2022
(Strasbourg - 36 ans)


La note:  étoiles
Que l'éclair fulgure !
« Instants » est constitué de deux parties : la première est exclusivement vouée à la mise en forme de tercets, à savoir de strophes de trois vers, qui viennent ici manifester l'essence même du verbe poétique :

Dans un premier temps, il s'agit de réaliser l'union de l'âme au monde :

Ô glisser dans le monde

comme le bois
sur le fleuve

Mais également de manifester le pouvoir universel de la nature en en révélant le tissu secret de correspondances :

A l'horizon céruléen
ourlé de lapis-lazuli
tous les sons vers la plaine s'estompent

Tout en chantant les transports que procurent son contact enivrant. Ainsi du « jasmin des poètes » :

Chant du seringa
suave quand le jour s'éteint

je tombe, enivrée

Et, s'effacer comme poétesse pour mieux reparaître sous la forme de l'aimée qui aspire à s'unir au tout car :

Reste l'empreinte de l'amour

indélébile
à jamais

Comme à l'amant, qui est en l'image, sous la forme du « sarment » qui s'élève jusqu'aux nues :

Sarment
je me ramifie et le tords

sur la vigne de ton corps

Il y a, dans tous les tercets qui composent cette première partie, l'idée que la poésie est pure jaillissement, pure déflagration, éclair qui fulgure en son paraître où l'instant à valeur d'éternité. La beauté n'en est que plus manifeste et saillante : elle irradie toute entière.

La seconde partie du recueil est un hommage au Japon et plus particulièrement aux victimes de Fukushima. Sur « l'île au temps suspendu », la poétesse nous convie à un voyage au cœur des ruines et des traces du désastre. Malgré l'ampleur de la catastrophe, la vie toutefois triomphe car :

Parmi les visages pétrifiés
le rire de l'enfant

comme une fusée
De même :

Au milieu du désastre
un soupçon de rose surgit

indemne

Et même si la terre s'en trouve meurtrie, il n'en reste pas moins que la beauté étincelle de mille feux qui sont ceux que la poétesse ravive par son geste poétique en chantant la profondeur silencieuse de la nuit où tout se scelle et se décèle :

Tu tombes nuit sacrée

en silence

sur le fracas du monde

Un recueil magnifique en somme qui ne saurait laisser le lecteur indifférent...

Julien Miavril