Tassili: Une femme libre au néolithique
de Maadiar (Scénario), Fréwé (Dessin)

critiqué par Shelton, le 7 janvier 2022
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Un bel ouvrage...
Lorsque l’on souhaite parler du néolithique (la dernière période de la préhistoire, environ entre -5800 et -2500, le moment clef pour l’humanité c'est-à-dire l’installation en village, les débuts de la culture et de l’élevage…), il y a toujours une difficulté car il n’y a pas de documents écrits qui raconteraient avec moult détails la vie quotidienne durant cette période… Le narrateur, l’historien, le conteur, doivent donc inventer en restant cohérents avec les éléments connus…

Je sais, par expérience, que le chemin est étroit et délicat, ayant inventé jadis quelques fables pédagogiques pour montrer à mes étudiants la création artistique durant ce néolithique, l’apparition de l’organisation clanique, la naissance même des premiers débats politiques… Du coup, c’est toujours avec bienveillance et curiosité que j’ouvre les ouvrages consacrées à cette période, y compris quand il s’agit de bandes dessinées !

Ici, avec cette bédé « Tassili », nous sommes à la fin du Paléolithique, juste avant le Néolithique… En fait, très délicat de marquer la différence entre les deux. On quitte un monde, on entre dans le deuxième… On est dans le Sahara, un désert qui ne l’est pas encore, qui est vert, luxuriant, paisible, agréable à vivre… On est dans un clan qui vit encore de la chasse et de la cueillette, un clan qui change de lieu chaque fois que le gibier vient à manquer, que les fruits ne sont plus assez nombreux pour nourrir les membres du groupe. Chasser et se reproduire sont les deux actions principales et les individus ne sont pas au centre des préoccupations claniques…

On va s’attacher à une jeune femme, Djané, qui symbolise à elle-seule les changements qui s’annoncent. Elle crée des outils, ose des objets décoratifs, dessine, plante des graines et, surtout, est habitée par une soif de liberté. Attention, on n’est pas dans le féminisme tel que notre époque oserait le définir, ne soyons pas hors sujet. Elle veut juste décider de son avenir, pousser le clan à des changements…

Alors, là encore, pas de contresens, nous ne sommes pas dans une bande dessinée d’aventures avec des grands combats, des luttes intestines sans fin, des chefs remis en cause par le clan… Non, ici on a la nature, la chasse alimentaire, la découverte de l’agriculture, l’envie de beau… On a une femme qui veut faire bouger les lignes au sein du clan, qui voudrait aimer, qui voudrait transmettre aussi à sa nièce ce qu’elle découvre au jour le jour…

Le tout donne une très belle bande dessinée que l’on prend plaisir à lire même si on n’est pas certain que tout cela soit plausible ainsi mais qu’importe, l’histoire est belle !

Le scénario de Maadiar est solide, crédible, et il évite la mièvrerie. Le lecteur reste attaché à l’histoire jusqu’au bout et peut être même surpris de l’issue qu’il ne voyait pas arriver ainsi… Fréwé offre une narration graphique plaisante, esthétique et efficace. Le lecteur ne peut qu’adhérer à cette façon de concevoir la bande dessinée : humaine, belle et agréable à lire !