Feu nu des profondeurs
de Julien Miavril

critiqué par Chroniques de Parme C. , le 3 janvier 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
Feu nu des profondeurs
Dès les premières pages de ce recueil merveilleusement illustré, le feu de la poésie brûle entre nos mains. Il se fait lumière, ardent témoin de la beauté du monde, « ce feu vivant » d’Héraclite, mais également flambeau d’une prise de conscience collective, d’une lutte engagée pour préserver la planète menacée de destruction et pour faire triompher l’Amour universel.
Cette mission essentielle qui se déroule sur plusieurs plans débute avec le poème « An zéro » qui annonce le début d'une ère nouvelle que la poésie tentera d'instaurer.
Il s'agit en premier lieu de dénoncer les outrages faits à la Terre mère :
"Ils s'étonnent de suffoquer d'asphyxie mais ils brûlent les poumons de leur Mère »
Il s'agit aussi de renouer avec l'essence même de l'Amour qui embrase le monde depuis des temps immémoriaux.
Le périple, intitulé en écho à Baudelaire "Voyage de l'Albatros", et placé sous le signe du commandement baudelairien "Enivrez-vous", se poursuit alors, éclairé tantôt par les œuvres de Rimbaud, d’Antonin Artaud, de divers poètes qui accompagnent l'auteur dans sa traversée des ténèbres. La poésie de Julien Miavril est l'œuvre d'un démiurge, créateur d'un univers artistique qui prend naissance dans le fourneau de son imaginaire.
Il s’interroge sur la nature de ce feu originel qui anime le monde : « Quel est donc ce feu qui nous porte et nous brûle et qui consume jusqu'à la trace de nos os ? »
Son intuition l’amène à penser que tout ceci est lié à l'Amour universel et cet amour le conduit à éprouver de l’empathie pour tous les vivants, notamment pour une petite fille des rues à laquelle il adresse ce message bouleversant :
« Je sais que tu seras parfois bien triste
Mais le plus souvent irradiante comme un soleil ? »
L'Amour est donc cette étoile immortelle qui nous guide dans l'avant, le présent et l'après. Hommage est rendu au féminin sacré, aux reines mais aussi aux « sœurs » d’âme qui partagent le même idéal.
Certains textes sont empreints d’un sentiment de révolte qui rappelle l’esprit rimbaldien d’ Une Saison en enfer mais cette rébellion face aux menaces du néant est force d’impulsion pour mieux célébrer tout ce qui appartient au feu de l'existence.
La dernière partie du recueil est particulièrement solennelle.
On peut notamment y lire un hommage sublime à celles et ceux qui ne sont plus :
« Ils ne sont déjà plus qu'ils restent et sont encore
Ils sont au vivant ce que le soleil est à l'or. »
Le poète s'adresse ensuite à l’enfant de demain qui va naître au cœur d'un monde en flammes : « Je voudrais t'offrir autre chose qu’un monde où règne la mort.»
Sont évoqués à ce titre les incendies qui ont ravagé l'Amazonie, sinistres reflets de l’irresponsabilité des hommes.
Mais l’amour triomphe de tous les désastres, cet « amour bien trop pur pour ce monde qui croit encore pouvoir s'armer contre lui » et il s’agit même de quelque chose qui va au-delà de l’amour terrestre : « Et ce quelque chose aucune langue humaine ne trouva d'ailleurs mot pour le nommer (...)
Le recueil se termine en ode flamboyante à la vie et en chant d’espoir pour les poètes « venus pour instaurer la communauté de la joie et de l'amour ».
Puis dans un vibrant « Hallelujah », le poète fait don de ce feu de vie qu’il « porte comme un lointain mais brûlant secret » à sa « reine stellaire » :
« À qui d'autre que toi pourrais-je seulement l'offrir...
Quand plus qu’un miroir, une nébuleuse en toi je vois. »
L’intégralité de ce livre magnifique est une célébration du feu sacré qui anime le monde à travers l’Amour sous toutes ses formes.

Chroniques de Parme C.
Une poésie chamanique 10 étoiles

Pour ce troisième recueil, "Feu nu des profondeurs", Julien Miavril décline à sa manière ce même message du grand Sitting Bull :

« La Terre n'appartient pas à l'homme,
c'est l'homme qui appartient à la Terre. »

Si les quatre éléments fondamentaux, moteurs générateurs de l’accomplissement de l’œuvre sont présents tout au long de ce recueil, le titre n’en est que plus explicite pour l’adepte qui comprend illico le sens du dévoilement que Julien Miavril va lui proposer en adoptant la méthode de l’introspection. Ainsi en dit le titre « Feu nu des profondeurs » paru aux Éditions du Pont de l’Europe.

Aussitôt il convient de rassurer le pauvre mortel ou pauvre lecteur entrant dans une poésie dont l’ambition, très réussie est de converser avec les Dieux, dans cette langue coruscante qui étincelle de mille feux.

Entrer dans la poésie de Julien Miavril c’est entrer en poésie. Vous savez comme ces vieux chamans (les chamans sont toujours vieux) dont l’économie des mots, les paroles sibyllines, tout comme le silence entre les mots est une correspondance dans les deux sens du terme. C’est alors que le chaman va « aliéner » toutes ses émotions vécues ou intra vécues à la poursuite de l’œuvre.

L’an 0 nous donne le « la » primordial. Celui qui va faire résonner la materia prima pour sa fécondation future. Dès cet instant, les quatre éléments seront sans cesse au cœur de l’action poétique.

Comme dans le laboratoire de l’Adepte, Julien Miavril nous fait entrer dans son laboratoire métaphysique entre les cris d’un Momo et les fulgurances d’un Arthur. La dimension cosmique sera atteinte dans la conjugaison des voies sèches et humides. Dans le creuset, sans cesse le poète travaille cette matière brute, quasi obscène pour en tirer les sucs indispensables à l’élaboration de l’élixir. Car c’est bien de la fange, de la putréfaction que nait la pureté. L’élixir de pureté est élixir d’amour. Cependant, cette quête rend fiévreux et furieux et le chemin est escarpé entre le fil d’Ariane, la chute des éons, et autres anges déchus à rencontrer jusqu’à l’impérieuse nécessité de l’exil.

L’exil de soi.
C’est dans l’exil de soi, que, comme tout poète digne de ce titre de noblesse, Julien Miavril va découvrir et nous révéler sa nature authentique.

Il va ainsi mieux nous faire comprendre le Gnothi seauton : « Oublie-toi toi-même et tu connaitras les Dieux et les hommes qui sont en toi ». De telle sorte que le poète va explorer la carte géographique des terres inconnues, et tout en sublimant l’Eros, découvrir les contrées mystérieuses de son cœur, centre des émotions, aux confins de la Psyché qui révèle les blessures.

S’il n’y prend garde, Thanatos et son aura spectrale restent aux aguets et seul l’émerveillement cosmique lui donnera la possibilité de poursuivre cette route dans les entrailles mugissantes de ce feu des profondeurs.

Cette route que poursuit Julien Miavril dans la fièvre de cette quête est escarpée. Comme tout ce qui est courbe ne peut être redressé, il lui faut une grande énergie poétique pour du Malkouth, Royaume des profondeurs, s’exalter jusqu’à Kether, la Couronne.

Ce recueil constitue donc, dans une écriture brûlante, étincelante, échevelée et totalement maîtrisée, à la fois un condensé de cette quête spirituelle qui n’est en rien un point d’arrivée, pas plus qu’un port d’attache, mais un tremplin vers un autre monde. Celui du Réel.
Julien Miavril, héritier des poètes symbolistes et métaphysiciens, entretient ici et avec talent cette flamme vive qui brille éternellement dans les ténèbres.

Cristian Ronsmans,
Bruxelles, le 16 juin 2020.

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