Du village à la République
de Alexis Thambwe-Mwamba

critiqué par Débézed, le 30 décembre 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Autobiographie d'Alexis Thambwe-Mwamba
« J’ai dirigé la troisième entreprise minière du Congo. Nul homme politique de ma génération n’a chapeauté autant de ministères que moi. En devenant président du Sénat, je suis conscient d’occuper une des plus hautes charges de l’Etat ». En juillet 2019, alors qu’il est nommé à cette haute charge, Alexis Thambwe-Mwamba sait qu’il est arrivé au sommet de sa carrière, qu’il a obtenu son bâton de maréchal, que le moment est venu pour lui de jeter un regard sur son parcours, sur sa vie, sur sa carrière, d’écrire ce qu’il a vu, fait, ne pas pu faire, que le moment de transmettre est arrivé.

Il est né en 1943 dans la province de Maiema à l’est du pays d’un père chef de tribu et dune mère très préoccupée par son éducation et son instruction. Il a fréquenté l’école musulmane locale pendant deux ans avant d’intégrer le séminaire catholique dans une ville plus lointaine, puis l’université à Kinshasa. Quand il obtient son diplôme universitaire, il fait partie des rares autochtones à détenir ce grade, il est vite repéré par une grande entreprise qui a besoin de cadres locaux. Il intègre donc le Groupe Empain dont il grimpe très rapidement les échelons hiérarchiques. Le groupe lui octroie même une bourse pour qu’il poursuive des études universitaires en Belgique dont il revient avec plusieurs diplômes qu’il complète par un autre de l’Université du Burundi où enseigne des universitaires belges.

A son retour au pays, il devient rapidement le Numéro un du Groupe Empain au Congo et le patron de l’association des industriels du pays. Ce parcours, son bagage universitaire, sa réussite professionnelle n’échappent pas aux regards des principaux dirigeants politiques qui lui tendent rapidement la main et lui proposent d’intégrer le gouvernement. Il accepte et entre définitivement en politique, il occupera ainsi de nombreux postes ministériels, des présidences de partis politiques, pour arriver enfin au sommet de sa carrière comme président du Sénat. Au cours de cette très riche et très longue carrière politique, il traversera de nombreux événements douloureux ayant affecté le pays : les guerres à l’est à la suite du massacre du Ruanda, la tentative de sécession du Katanga, la prise du pouvoir par Mobutu, puis par Laurent-Désiré Kabila, son assassinat et enfin la prise du pouvoir par Joseph Kabila. Il sera de nombreuses fois ministres de Mobutu et des Kabila père et fils.

Ce parcours impressionnant il le doit à ses grandes compétences, à son expérience du terrain et de l’économie, à une rigueur frisant l’intransigeance, à une chasse perpétuelle à la corruption, à sa vision politique, administrative et économique du pays. Son programme s’organise toujours autour des mêmes grandes idées : constituer un pays fort pour ne plus être le repère des milices de tout bord en provenance des pays voisins, développer une administration saine, stable et efficace, encourager une économie libérale générant de nombreux emplois pour la jeunesse congolaise, améliorer le niveau de vie, instaurer la meilleure égalité possible entre les différents territoires et relier les différentes régions par un meilleur réseau ferré et routier. Et, pour garantir tout cela, installer des institutions stables animées par des cadres universitaires de haut niveau formés dans des universités locales dans le but de servir le pays avec rigueur et honnêteté.

Pour réussir un tel programme, Alexis Thambwe-Mwamba prône un certain nombre de valeurs, à son sens, incontournables : une instruction et une formation de qualité, une intégrité absolue, des compétences techniques rigoureuses, une implication totale dans le travail et la mission.

Il est convaincu qu’en respectant ce programme et en se donnant les moyens d’obtenir les objectifs y figurant, à condition de respecter les valeurs qu’il prône, le Congo deviendra un grand pays africain et même un grand pays mondial capable de jouer un rôle à l’aune de son étendue, de ses ressources et sa population. Il s’élève contre les dirigeants africains qui se complaisent dans les jérémiades habituelles y laissant toute l’énergie qu’ils devraient insuffler dans le développement du continent. « Continuer à s’en référer à Léopold II pour masquer nos faiblesses est ridicule. En agissant de la sorte, jamais nous n’avancerons ». On ne peut que louer cette lucidité et ce courage politique invitant les Africains à ne pas oublier leur passé mais à ne pas s’y complaire au détriment de leur avenir. Sa longue carrière n’a pas occulté ses capacités d’analyse lui laissant constater l’état de dégradation du pays. « De telle sorte – et l’honnêteté oblige à le reconnaître – que notre pays, sur bien des points a régressé depuis 1960. … Quelle dégringolade ! Partant de ce dont nous disposions au lendemain de l’indépendance, la chute est vertigineuse, même si, je le répète, le Congolais n’avait pas été formé par le colonisateur belge pour se prendre en main ».

Un mot revient aussi souvent dans son discours : solidarité avec les membres de la famille qu’il a toujours soutenus, avec le clan et la tribu qu’il a aussi soutenus quand il le fallait. Une solidarité qu’il voudrait imposer entre les territoires et entre les différentes populations de cet énorme pays.

Je ne suis pas apte à juger de son bilan politique, je peux seulement constater l’immensité de son action, la justesse de ses analyses, la finesse de son jugement, sa volonté, son engagement, sa fidélité familiale, son énorme capacité de travail, sa pugnacité, son amour du pays et son intransigeance. J’aime sa conclusion, qui que nous soyons nous avons tous la capacité de vouloir qui est toujours nécessaire pour pouvoir. « Je me suis toujours efforcé d’aller de l’avant. Sans me dire : « Je suis noir, ils sont blancs. » Ou : « Ils ont des moyens supérieurs aux miens… Je n’y arriverai donc pas » … ».