Le tiers temps
de Maylis Besserie

critiqué par Pucksimberg, le 27 décembre 2021
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Les derniers jours de Beckett, par lui-même
Le Tiers-temps c’est le nom de la maison de retraite dans laquelle Samuel Beckett a passé ses derniers jours. Maylis Besserie raconte cette période non pas avec le souci méticuleux du biographe, mais plutôt comme avec l’adresse d’une écrivaine qui connaît très bien son sujet et l’œuvre de ce dernier. Samuel Beckett est essentiellement le narrateur de cet ouvrage dans lequel il se confie et nous parle de son amitié avec Joyce, de sa mère May avec laquelle il a eu une relation difficile, de sa compagne Suzanne, de Buster Keaton, de certains personnages de son oeuvre … Nous plongeons donc dans les souvenirs de cet auteur fascinant. Parallèlement, nous suivons les courtes incursions médicales des spécialistes qui font régulièrement le point sur l’état de santé du vieil écrivain. Le roman aurait pu être anxiogène et sordide, ce n’est point le cas ! C’est Beckett qui raconte avec son humour qui n’exclut pas d’aborder évidemment le tragique de l’existence.

Ce roman est plaisant à lire car il met tout d’abord en scène le grand Samuel Beckett. Nous avons le sentiment d’entrer dans son intimité par ses confidences. De plus, on retrouve son humour dans sa façon de narrer certains épisodes et ce sont aussi ses personnages qui semblent donnés à voir, comme si le dramaturge était devenu l’un d’eux, ou alors à l’inverse comme si ses personnages étaient le reflet de l’humanité. Oui, le fond peut être grave parfois, même si l’on sourit souvent et même si l’on en viendrait presque à envier cette faculté qu’a l’auteur à relativiser et à rire du tragique de l’existence.

Le roman possède aussi une belle écriture, inspirée de Beckett à certains égards, comme si l’écrivaine lui rendait hommage, voire même un hommage à toute la littérature. Il est question de Joyce, de Ronsard et puis certaines phrases ont des accents renvoyant au personnage principal de l’histoire. Et puis il y a ces clins d’œil comme ces deux phrases commençant par « Longtemps, je … » qui font penser à la première phrase de l’œuvre de Proust qui s’est raconté aussi dans son œuvre, toutefois de façon bien différente de celle employée ici.

Derrière le rire et les remarques surprenantes parfois, c’est bien du tragique de la condition humaine dont il est question. On y parle de pertes d’êtres chers, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Ce n’est pas le roman le plus léger qui soit car il nous met face à des réalités auxquelles on n’a pas forcément envie de penser. Le roman peut se révéler parfois inconfortable, mais la vie est faite ainsi et ce n’est pas à Maylis Besserie qu’il faudra le reprocher.

Ce roman a reçu le Goncourt du premier roman 2020.