Séduisantes chimères
de Stéphane Bret

critiqué par Débézed, le 22 décembre 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La Belle époque
En commençant la lecture de ce livre, j’ai eu une impression de déjà vu, je ne savais pas que ce texte était la suite du précédent roman de Stéphane Bret. J’ai mis le temps de lire quelques pages avant de me souvenir d’Aude, d’Adrienne et d’Arnaud, les trois A, les trois principaux héros de « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? ». Dans cet ouvrage, Stéphane raconte comment Aude, la jeune couturière, découvre le monde des travailleurs, la CGT, la SFIO, le féminisme, les suffragettes, l’homosexualité et son amante Adèle, comment Adrienne préfère le monde de la nuit, des plaisirs tarifés au bras de son client le plus assidu, comment Arnaud, banquier enrichi en investissant dans les nouvelles colonies, traversent La Belle époque avec tous les germes de la Grande guerre qu’elle comporte déjà.

Dans ce second ouvrage, les trois protagonistes, après avoir traversé la Grande guerre et la pandémie de Grippe espagnole qui l’a suivie, se lancent avec un réel plaisir mais aussi une certaine retenue, dans les Années folles pour oublier les affres des épreuves passées. Après s’être engagée dans le service chargé de la confection des uniformes de l’armée, Aude revient à son métier de couturière et intègre la célèbre maison de haute couture de Paul Poiret. Adrienne a abandonné les fastes de la maison close où elle œuvrait pour s’engager parmi les infirmières militaires et soigner les blessés puis les Gueules cassées. Arnaud siège désormais au conseil d’administration de sa banque et reste toujours assidu aux charmes des cocottes.

En faisant vivre ces trois personnages et Manon la nouvelle amante d’Aude, Stéphane Bret jette un regard panoramique et synthétique sur les Années folles caractérisées par le besoin populaire d’oublier la guerre et l’épidémie mais aussi par la mise en place des pièces du puzzle qui constitue peu à peu la trame de ce qui conduira à l’autre guerre. Il évoque les vains efforts pour assurer une paix durable, les luttes ouvrières pour l’amélioration des conditions de travail, les innovations technologiques qui bouleversent le monde et la société, la lutte des premières féministes pour défendre la condition des femmes et quelques autres thèmes…

Ce court roman comporte tout ce que notre jeunesse devrait savoir sur ce qui a conduit, en deux décennies, le monde de la Grande guerre qui devait être « la der des de », à la suivante. Stéphane nous offrira peut-être bientôt la suite de cette analyse en projetant ses héros de la crise financière de 1929 aux abominations de la Deuxième guerre mondiale,