Je te vous toi
de Blanche Baudouin, Albertine (Dessin)

critiqué par Débézed, le 18 décembre 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Minimum de mots pour maximum d'amour
Comme l’indique le titre, ce recueil est une variation sur le thème de certains pronoms personnels : JE, TE, VOUS, MOI et leurs déclinaisons. Des pronoms personnels que Blanche met en vers pour raconter une histoire d’amour qui commence avec JE, le moi de l’histoire, pour enchaîner avec le TE, l’autre que je rencontre, pour constituer avec le VOUS le couple vu par les autres. Et, l’histoire termine par TOI ou le tu de l’engendrement…

« je VOUS dis / j’ai envie de VOUS / VOUS me dites / j’ai envie de VOUS // café / non merci / pas de café / vite / l’addition / vite ».

Cette histoire est une suite de poèmes extrêmement minimalistes, l’un des pronoms cités (ou une ou plusieurs de ces déclinaisons) et deux ou trois autres mots souvent monosyllabiques pour exprimer l’attirance, le rapprochement, la réunion, …,

« TOI / TU / TOI /TU l’aimes aussi / moi / TU / moi / je l’aime / aussi ».

Des poèmes minimalistes allant de TU à VOUS des lèvres horizontales où se dépose le premier baiser aux lèvres verticales où se concrétisent l’union, la fusion, l’amour qui provoquera l’engendrement.
Ce recueil est complété par des illustrations en noir, masculin, et blanc, féminin, d’Albertine. De véritables épures représentant des scène d’accouplement fort pudiques qui évoquent l’amour, la fécondité, la maternité, la continuité, la pérennité, …, la vie qui continue mais aussi l’affection débordante et le plaisir orgasmique.

Ces poèmes, illustrés par ces dessins tout aussi minimalistes, sont d’une poésie d’une grande intensité, ils ne disent pas seulement, ils évoquent, provoquent, convoquent l’amour et le plaisir qui deviendront chair dans un nouvel épisode, sur une nouvelle page blanche.

« NOUS NOUS aimons / essentiellement / sur le blanc / de la page / à venir ».

En lisant ces jolis poèmes réduits au minimum si on considère le vocabulaire utilisé mais qui exprime tellement d’émotion et de sentiments, j’ai pensé à Ken Saro Wiwa, le Prix Nobel de littérature nigérian condamné à la pendaison et exécuté pour avoir participé à la rébellion de son ethnie contre celle qui la dominait sans pitié. Il a écrit Sozaboy, un livre magnifique sur les enfants soldats avec un vocabulaire extrêmement réduit et tout aussi élémentaire, et pourtant son livre est un chef d’œuvre que je place tout en haut de mon panthéon littéraire.