Au-devant des périls: La marche en avant de la nation hindoue
de Arundhati Roy

critiqué par Tistou, le 13 décembre 2021
( - 67 ans)


La note:  étoiles
La marche en avant de la Nation Hindoue
Dans cette conférence prononcée à New York le 12 novembre 2019 et publiée dans The Nation, Arundhati Roy alerte l’opinion internationale sur la politique du Premier ministre indien, Narendra Modi. En privant de citoyenneté une partie de la population musulmane de l’État d’Assam et en abolissant l’autonomie constitutionnelle de la Vallée du Cachemire, le gouvernement indien, animé par un courant ethno-nationaliste hindou, fait peser une lourde menace sur la diversité séculière du pays. Soucieuse de défendre les droits humains là où ils sont bafoués et pourraient l’être plus encore, irrésolue au silence, Arundhati Roy fait le lien entre cette marche en avant d’une nation hindoue et la montée des fascismes dans l’Europe du premier XXe siècle.

Publié dans la Collection Tracts, de Gallimard, ce court essai de 55 pages est donc en fait une conférence au cours de laquelle l’écrivaine indienne d’obédience chrétienne attaque au bazooka la politique ultranationaliste et hindouiste du Premier Ministre de l’Inde, Narendra Modi.
Elle démontre point par point comment les mesures, dignes d’un apartheid, principalement contre les Musulmans de l’Inde et certaines ethnies des contrées reculées de l’Assam, peuvent mener d’après elle à ce qui s’est conclu au XXème siècle par les actes déments des Nazis.
Mesures arbitraires, décision unilatérale d’abolir le statut du Cachemire aboutissant à une annexion de fait, discriminations sur des bases administratives kafkaïennes du côté de l’Assam (et Dieu sait que l’Administration en Inde est un monstre qui relègue celle de la France a un rôle de gentil bisounours surperformant !), Narendra Modi surfe sur une vague à la fois nationaliste et religieuse (l’Hindouisme) où la notion de « pureté de la race » n’est pas loin.
Elle cite M.S. Golwalkar, chef suprême du RSS (Le Rashtriya Swayamsevak Sangh, ou RSS, en français « Organisation volontaire nationale », ou encore « Organisation patriotique nationale »), est un groupe nationaliste hindou de droite et paramilitaire. Fondé en 1925 à Nagpur par un médecin indien Keshav Baliram Hedgewar, le RSS est officiellement animé par l'engagement désintéressé au service de la nation et est souvent critiqué comme un groupe extrémiste. in Wikipedia), en 1940 :

»En Hindoustan, terre des Hindous, vit et devrait vivre la Nation Hindoue. Tous les autres sont des traîtres et des ennemis de la cause nationale ou, si l’on veut, pour se montrer plus charitable, des idiots … Les races étrangères à l’Hindoustan peuvent rester sur le territoire de l’Hindoustan, entièrement subordonnés à la Nation, Hindoue, sans rien revendiquer, sans mériter de privilège quel qu’il soit, et moins encore de traitement de faveur – pas même de droits de citoyenneté quels qu’ils soient.
Pour maintenir la pureté de sa race et de sa culture, l’Allemagne a choqué le monde en purgeant le pays de la race sémitique, les Juifs. La fierté de la race s’est manifestée dans ce cas. C’est une bonne leçon, pour nous, en Hindoustan. Nous devons nous en inspirer et en tirer profit. »


Ces propos date de 1940 mais la RSS est toujours là et depuis l’avènement de Ravendra Modi (2014), lui-même issu du RSS, n’a guère plus de limites (on pourrait plutôt parler de garde-fous !). Et Arundhati Roy de conclure :

»Espérons seulement qu’un jour prochain les rues de l’Inde seront noires de monde, envahies par ceux qui auront compris qu’à moins de se manifester et d’agir, la fin est proche.
Si ce sursaut devait ne pas se produire, entendez dans ces mots l’annonce d’un dénouement fatal, prononcée par quelqu’un qui a traversé ces temps-là. »


Glaçant !