Les Porteurs d'eau
de Atiq Rahimi

critiqué par Pucksimberg, le 21 novembre 2021
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
De Paris à Kaboul
Ce roman se concentre sur deux personnages principaux, Tom, anciennement Tamim, vivant en France après avoir quitté l’Afghanistan et le second se prénomme Yûsef, est porteur d’eau et continue à vivre à Kaboul. Tom s’apprête à se séparer de la mère de sa fille pour aller retrouver Nuria à Amsterdam. Yûsef a en charge Shirine, sa belle-sœur, depuis que son frère a disparu. Il doit veiller sur elle car sa famille ne souhaite plus s’occuper d’elle puisqu’elle est désormais mariée. Et les Talibans font régner la terreur dans le pays. Nous sommes le 11 mars 2001, c’est le triste jour où les deux Bouddhas de Bâmiyân ont été détruits …

Ce roman d’Atiq Rahimi est très bien construit. Les chapitres, alternativement, se focalisent sur l’un des personnages. Leurs histoires semblent se répondre. La notion de double est présente dans tout le roman, associée à celle de déjà-vu. L’écrivain semble décliner certaines thématiques sous plusieurs angles, à la fois réalistes et métaphoriques. Il est excitant de voire comment il revisite certaines thématiques comme celle de l’exil qui peut être compris sous son angle politique classique, mais aussi déplacé dans le monde amoureux où celui qui va vers sa maîtresse est en exil de son couple … Atiq Rahimi joue avec les concepts ce qui crée de multiples liens entre les séquences. Par ce biais, l’écrivain invite aussi le lecteur à s’interroger sur l’exil, sur la vie, sur l’identité, sur l’amour aussi … Tout ceci est possible par les correspondances entre les deux histoires et par leurs résonances avec notre monde actuel.

L’énonciation est intéressante aussi dans les chapitres. Quand il est question de Yûsef le récit est à la troisième personne du singulier de façon plutôt classique, alors que lorsqu’il est question de Tom, le récit est à la troisième personne du singulier et à la seconde personne du singulier lorsqu’il parle à Tamim. La façon de rédiger a quelque chose de poétique aussi et est sans doute héritière de la tradition persane. Ce côté oriental donne un côté exotique et philosophique. Ces renvois persans nous invitent à voir le monde différemment et à déplacer notre curseur. L’écriture d’Atiq Rahimi est vraiment belle et forte. Son style est singulier et sans nul doute l’empreinte des meilleurs écrivains. Les personnages secondaires ne sont pas en reste et apportent beaucoup à ce roman. Ils ont chacun un rôle clair et sont assez fouillés pour laisser tous une trace dans notre mémoire. Le lecteur prend vraiment conscience que ce roman est riche et profondément humain. C’est l’humanité qui est au cœur de ces histoires. Evidemment, l’Histoire est présente avec ces Talibans au comportement médiéval, avec aussi la destruction des Bouddhas qui est évoquée mais qui n’est pas le point culminant du roman …

Ce roman d’Atiq Rahimi est un grand texte, foisonnant et intelligent.