L'année du jardinier
de Karel Čapek, Josef Čapek (Dessin)

critiqué par Débézed, le 9 novembre 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Cultiver des fleurs comme des mots
Après ma lecture de « Le compositeur Foltyn », il y a déjà plusieurs années, j’avais été frappé par la parenté littéraire entre Karel Capek et Stefan Zweig. Ils appartiennent tous les deux à la brillante génération culturelle qui a sévi dans la Mitteleuropa au XIX° siècle et dans la première moitié du XX°. Capek est né en 1890 en Bohème, Zweig en 1881 à Vienne, le premier est décédé en 1938 et le second s’est donné la mort en 1942, ils sont donc presque parfaitement contemporains. Le Tchèque est moins connu, il n’a pas non plus le même talent que Zweig que je place personnellement au-dessus de tous, mais il a lui aussi un vrai talent littéraire. Il siège parmi les auteurs majeurs de la littérature européenne de cette époque. J’ai tout autant apprécié le premier roman que j’ai lu que ce présent texte consacré aux jardins et ceux qui les cultivent.

Dans le présent texte, il évoque, plus que le jardin, le travail du jardinier. Il présente son texte comme les bons vieux almanachs que mes parents achetaient chaque année pour savoir quand il fallait semer, planter, repiquer, …, Ainsi, son livre est découpé en douze chapitres représentant chacun un mois de l’année. Et, dans chaque chapitre, il intègre un focus traitant d’un point particulier concernant plus spécifiquement le mois en question.

Il raconte le jardinier passionné, obnubilé par ses plantations, leur pousse, leurs besoins, les soins qu’elles requièrent, et toutes les misères que leur cause la météorologie et les divers parasites et maladies qui les altèrent. Sous la plume de Capek, le jardinier est un être un peu particulier, plus familier de ses plantations que de ses congénères, il le dépeint avec humour et un brin de moquerie comme un être rongé par sa passion qu’il voudrait transmettre à ses interlocuteurs et visiteurs persuadés qu’ils sont tout autant que lui passionnés par le travail du jardin. Il le montre perpétuellement les fesses en l’air pour biner, bêcher, désherber, planter, repiquer, arroser au plus près, toujours inquiet du temps qu’il fait, des mille petites choses qui pourraient contrarier le développement de ses chères plantes.

Ce livre est tout d’abord un magnifique objet avec une couverture cartonnée portant un titre en lettres dorées, légèrement en relief, il est par ailleurs magnifiquement illustré de dessins humoristiques de la main même de son frère Josef. C’est aussi un manuel de jardinage, une leçon d’écologie avant la lettre, un vrai catalogue des plantes pouvant figurer dans un jardin, un véritable dictionnaire des termes botaniques et, aussi, un texte savoureux où les piques narquoises et ironiques apportent le sel nécessaire à toute œuvre littéraire. Je crois qu’il a inspiré de nombreux auteurs français mais d’ailleurs aussi, notamment du Japon, tout aussi férus de jardinage que le héros de Capek. Ce texte sonne tellement vrai que je suis convaincu que Capek était lui aussi un fervent disciple de Saint Fiacre.

Pour conclure, nous pourrions dire avec l’auteur : « … un vrai jardinier n’est pas un homme qui cultive les fleurs : c’est un homme qui cultive la terre, c’est une créature qui s’enfouit dans le sol, laissant le spectacle de ce qui est en dessus à nous, les badauds, bons à rien… ». quel bel hommage rendu au jardinier et à tous ceux qui cultivent la terre pour nourrir tous les autres.