Madame Hayat
de Ahmet Altan

critiqué par Meije, le 2 octobre 2022
( - 69 ans)


La note:  étoiles
Lumière et ténèbres
Dans un contexte politique, social et économique catastrophique, où la population vit dans la crainte permanente des délations, des arrestations et des emprisonnements arbitraires, Madame Hayat est le récit de deux histoires d’amour vécues simultanément par Fazil le narrateur, étudiant en littérature.
Après la ruine et la mort de son père, riche entrepreneur, Fazil se voit obligé de réduire son train de vie de jeune étudiant aisé et de chercher un logement pour continuer ses études. Il trouve une chambre à louer dans un vieil immeuble, une sorte d’auberge espagnole où il va côtoyer des êtres malmenés par la vie, cassés par le pouvoir en place, tous plus attachants les uns que les autres et qui vont lui apporter malgré les difficultés qu’ils vivent au quotidien écoute et soutien. L’un d’entre eux notamment, surnommé Le Poète, marquera profondément sa vie par son engagement et son destin tragique. Pour subvenir à ses besoins, Fazil trouve un petit boulot de figurant sur un plateau télé. Il va y rencontrer deux femmes totalement différentes dont il va tomber amoureux.
Mme Hayat, personnage central du roman, solaire, vivant dans l’instant, fière et voluptueuse, sensuelle et insouciante mais secrète. On ne saura que très peu de choses d’elle, de sa vie et de son passé.
Sila issue d’un milieu aisé comme Fazil, étudiante en lettres, plus froide, plus réfléchie, intellectuelle et engagée avec laquelle il peut partager son amour pour la littérature. Deux femmes que tout oppose mais qui incarnent la liberté chacune à leur façon et qui vont participer à l’évolution et à la maturité de Fazil.
C’est un roman d’initiation magnifique et lumineux malgré la noirceur du contexte, quand on sait que l’auteur l’a écrit durant sa détention. D’une qualité littéraire remarquable, (il faut également rendre hommage au traducteur) sa lecture fluide d’une extrême poésie m’a séduite dès les premières pages. D’un romantisme absolu au milieu de l’enfer, ce livre qui ne sombre jamais dans le pathos n’en est que plus flamboyant, à l’image de la chevelure de Madame Hayat.


“Vous pouvez m’emprisonner, mais vous ne pouvez pas me garder ici. Comme tous les écrivains, je suis magicien. Je peux traverser vos murs sans mal “
Extrait de “Je ne reverrai plus le monde” (Actes Sud, 2019), recueil de ses lettres de prison.
"Le jeune étalon et la vieille jument" 6 étoiles

Fazil est étudiant en littérature parce que "La littérature était plus réelle et plus passionnante que la vie".
Il loue une chambre dans un immeuble, sorte d’auberge espagnole où se croisent de nombreux locataires, des hommes qui ont tout perdu, des destins ruinés par le régime totalitaire. Lui qui vient d’un milieu très aisé, découvre une autre vie depuis que sa famille a été dépossédée de tous ses biens.
Il est amoureux d’une jeune fille pragmatique et organisée ayant subi la même déchéance que lui.
Mais à l’occasion d’un enregistrement qui lui permet de gagner un peu d’argent il rencontre Madame Hayat, femme mûre et mystérieuse, qui vit au jour le jour, dont il tombe amoureux à en devenir dépendant.
Il va vivre intensément cette liaison, aimer éperdument cette femme qui lui apprend l’amour mais aussi la vie, le sens de la vie. Sa vie en sera totalement bouleversée.
"à la fin nous essayons tous de nous affranchir du présent ; certains se tournent vers le passé, d’autres vers l’avenir, parce que tous désemparés face aux malheurs d’aujourd’hui."

Un roman intéressant que cet apprentissage à la fois brutal de la réalité à cause de la répression politique de son pays, et la découverte de l’amour et de la sexualité d’un jeune homme qui a perdu tous ses repères.
"Le poids de ce que j’avais vu, appris, vécu pesait parfois si lourd que je me sentais épuisé comme un vieillard…. alors j’allais à la bibliothèque lire des romans. Là le monde changeait d’éclairage, les hommes et les événements devenaient d’une pure transparence, je contemplais le monde hors d’atteinte, sans que personne pût me voir, me toucher, tandis que je pouvais, moi, toucher ces hommes qui étaient dans les romans. Je me sentais puissant, serein, je me sentais guérir."

Marvic - Normandie - 65 ans - 4 mars 2024


J’ai deux amours… (air connu) 3 étoiles

Il paraît que ce livre a été écrit en prison. Je ne vois ce que ça change mais on m’a dit que ça devrait m’émouvoir. C’est certes, bien écrit, facile à lire mais sans aucune recherche ; c’est une narration au jour le jour, sans plus. Si, au moins l’histoire en valait la peine ! Mais, à mon avis, il n’en est rien.
C’est l’histoire d’un étudiant en littérature qui s’éprend en même temps d’une dame qui pourrait être sa mère et d’une jeune et belle étudiante qui suit les mêmes cours que lui. D’après l’emploi de leurs temps, ça ne doit pas être des cours trop exigeants. Le narrateur passe de l’une à l’autre et, bien sûr, il nous détaille comment ça se passe ; mais seulement comment ça se passe pour lui ; si au moins on savait ce que ces dames en pensent !

Quand le narrateur est avec la dame âgée, c’est elle qui parle : elle diserte sur les documentaires qu’elle a vu à la TV et elle en tire une philosophie à la petite semaine, d’une banalité consternante. Quand il est avec la jeune, ils parlent ensemble de littérature ; ils ont tout lu et ils s’envoient des citations en guise de pensées profondes… j’ai trouvé que ça faisait un peu snob.

Mais je ne voudrais pas gâcher le plaisir de ceux qui le liront. Je vois que l’auteur de la critique principale a beaucoup apprécié, alors disons que je suis passé à côté de quelque chose.
Pour Pascale Ew, auteur(e) d’une critique éclair, je pense que ça se passe à Istanbul parce que dans un passage, il est question du Bosphore. Ça se passerait donc en Turquie, actuellement, et ce qu’on peut apercevoir du régime a été, pour moi, le seul côté intéressant du livre.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 23 février 2024


histoires de désir 5 étoiles

Fazil est étudiant en littérature. Son père vient de mourir et pour subvenir à ses besoins, il participe comme figurant à des émissions télévisées. Il y fait la rencontre de Madame Hayat, qui a l’âge d’être sa mère, et il en tombe amoureux. Très peu de temps après, il y rencontre également une étudiante en littérature comme lui, Sila, dont la famille a été expulsée de chez elle et a perdu toute sa fortune suite à un soupçon de « complot contre le gouvernement ». Il entretient également une liaison avec elle. Cette double vie ne semble pas trop le perturber, à peine un soupçon de culpabilité l’effleure-t-il de temps en temps. Fazil apprend l’amour et bien d’autres sentiments encore, tels que la jalousie, l’envie, le désir, etc. Et pourtant, parallèlement à cela, ces amants n’expriment jamais leurs sentiments, ne communiquent pas en profondeur. D’ailleurs, madame Hayat refuse toujours de parler de son passé, elle veut toujours rester dans la légèreté de l’instant présent. En toile de fond rôde le danger qui se resserre de plus en plus autour d’eux dans un pays (jamais cité) de plus en plus répressif et dictatorial et une ambiance d’intolérance et d’arrestations arbitraires. L'innocence de Fazil part en lambeaux.
Je n’ai pas trop aimé ces histoires d’amour qui ne m’ont pas inspirée ni cette indécision permanente du personnage principal. J'ai eu du mal à terminer le roman.
A l’occasion des cours de littérature, l’auteur pose des questions et émet des réflexions intéressantes sur le sujet.

Pascale Ew. - - 56 ans - 20 mars 2023