Baumes
de Valentine Goby

critiqué par Tistou, le 25 octobre 2021
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Plus qu’un parfum d’autobiographie …
Court ouvrage d’essence autobiographique, et à propos d’essences, il en est ici beaucoup question puisque Valentine Goby a pour père un élaborateur de parfums, de Grasse, où elle a vécu au moins son enfance. Ses souvenirs d’enfance, et notamment ceux en relation avec son père, sont des souvenirs olfactifs :

» D’un bout à l’autre de mon enfance, l’odeur d’usine signe le retour de mon père. L’odeur puissante des cuves à distiller, qui excède toutes les odeurs connues de la nature, les aggrave prodigieusement. Odeur d’essences pures, lavande pure, rose pure, orange pure, vanille pure, parfois additionnées, citron pur et griotte pure, menthe pure et tubéreuse pure, trop compactes pour se dissoudre, s’annuler l’une dans l’autre : iris contre gingembre, encens contre violette, luttant à même la fibre des vêtements. L’odeur incruste les vestes de mon père, ses écharpes de laine, ses mouchoirs de soie, ses costumes, ses chemises, ses nœuds papillon, le cuir de ses chaussures, et aussi ses cheveux, la peau de son visage, la peau de ses mains, ses ongles, ses poils. Dès son entrée dans la maison, l’odeur d’usine dissout toute concurrence, le fumet de soupe et de gratin en train de cuire, les effluves de savon de Marseille de la salle de bains, le tabac froid, l’humidité des murs. L’odeur précède mon père, l’escorte dans les couloirs, marque son sillage comme l’herbe couchée le passage d’un animal.

Après quelques tentatives pour perpétuer l’activité familiale dans les parfums, et notamment à New York, mais aussi Hanoï, Manille, elle se tourne vers l’écriture. Et voici alors la Valentine Goby, celle qui exorcise par les mots, des mots couchés sur le papier, celle que l’on connait. Même si, comme elle le reconnait en commentant sa rencontre avec « Le parfum », de Patrick Süskind, il est possible de faire naître des émotions olfactives avec la littérature.
La rédaction de ce court ouvrage aura certainement davantage marqué Valentine Goby que ses lecteurs in fine, si je prends mon cas comme révélateur.