Le fils de l'homme
de Jean-Baptiste Del Amo

critiqué par Nathavh, le 30 octobre 2021
( - 60 ans)


La note:  étoiles
coup de coeur
Je n'ai pas lu ce livre, j'ai écouté Mathurin Voltz qui le lisait, une nouvelle expérience bien agréable le temps de faire la route vers Nancy pour "Le livre sur la place".

Un prologue surprenant nous immerge au temps des chasseurs-cueilleurs. C'est la vie qui se perpétue en pleine nature avec ses joies et ses dangers. Un cycle complet : l'accouplement, l'accouchement, l'arrivée de bébés vivants ou non, l'apprentissage de la survie, la chasse, la pêche, manger, mourir.

Ensuite réapparaît le père, il arrive dans la cour de l'école auprès de l'enfant âgé de 9 ans, cela faisait six ans qu'il avait disparu mystérieusement. On sent la violence dans les attitudes, les regards lorsque la mère les découvre à son tour.

Trois personnages innommés, utilisés à la troisième personne, démontrant déjà la froideur de cette 'famille'.

L'écriture de Jean-Baptiste Del Amo est sublime, un style virtuose, des phrases longues, descriptives, immersives qui nous font non pas imaginer mais voir les scènes, les ressentir, les vivre presque avec intensité.

Je voyais la ville, ce quartier ouvrier rural mais je voyais aussi le chemin du voyage entrepris vers la montagne et le hameau des Roches où se dresse un semblant de maison en ruines. C'est là que le père emmène tout le monde pour un séjour au départ estival mais qui risque bien d'être plus long que prévu.

C'est l'héritage du père, la maison de son enfance, où il a vécu. Il veut la reconstruire et retrouver l'unité d'une famille.

La nature d'abord hostile pour l'enfant, magnifiquement décrite deviendra pour lui une alliée.

La plume est splendide, le vocabulaire riche et précis, accessible d'un grand réalisme. Ce texte est âpre, sombre, tragique. Il parle de la transmission des violences humaines, de la souffrance, de la domination des femmes par l'homme, de l'emprise. Il met en exergue la confrontation de la violence du monde adulte et de l'enfance.

Ce récit alterne entre passé et présent pour comprendre l'origine de la violence qui anime le père. L'intensité de l'écriture secoue, dérange, enchante. Ce récit c'est aussi l'amour et la cruauté, la beauté et la noirceur, l'opposition entre la nature et la ville, la complexité de l'être humain, la jalousie qui mène à la folie.

La lecture de Mathurin Voltz est parfaite, sa voix est posée, le ton est juste, c'est captivant.


Immense coup de coeur de cette rentrée littéraire ♥
Subtil, malgré les apparences... 7 étoiles

Peut-être l’auteur a-t-il pensé, en écrivant ce livre, au philosophe napolitain du XVIIIe siècle Gianbattista VICO. On a en effet ici une illustration possible de sa thèse du ‘corsi i ricorsi » : les civilisations, lorsqu’elles s’éteignent ne peuvent renaître qu’en passant à nouveau par les trois âges, divin, héroïque et humain, c’est-à-dire, pour commencer (ou recommencer), par la barbarie.

Un très beau prologue nous fait revivre les temps préhistoriques où les civilisations se sont faites, notamment par l’éducation du père sur ses fils. Et le roman nous plonge dans une « barbarie » où le père, un petit malfrat lui même oublié de son propre père, tente de recoller les morceaux d’une famille qu’il a contribué à détruire et qu’il s’applique maintenant et malgré lui (c’est-à-dire finalement en imitant le père…) à exterminer. On a du mal à penser que son fils, un enfant sensible et attentif à hauteur duquel le récit se construit, puisse un jour connaître un meilleur sort, ou, pour le dire autrement, une rédemption. Mais pourquoi pas ? Il va bien le falloir à quelque moment, pour sortir de la barbarie et entrer dans l’âge des « héros ». Et héroïque, précisément cet enfant l’est. Ce qui expliquerait le titre à caractère messianique…

Est-ce un roman sur le rôle des pères ? Indéniablement, mais pas seulement. Car se trouve également évoquée - ne serait-ce que par la citation de Sénèque figurant en épigraphe - la malédiction (autre nom du destin en la circonstance) qu’ils peuvent eux-mêmes susciter après l’avoir encourue, bref le phénomène connu de reproduction, qui n’aurait pas alors comme unique origine la condition sociale (même si celle-ci reste bien présente).

Bref un beau roman, complexe et subtil, qui appelle bien des réflexions.

MAPAL - - 78 ans - 19 octobre 2023


roman noir 9 étoiles

Un roman noir

Le début du livre est étonnant et semble décalé.
Il faudra attendre le dénouement du suspense pour comprendre l'intention du narrateur :
Nous sommes en période préhistorique avec toute une tribu qui se déplace avec deux objectifs : trouver de la nourriture et se protéger.
Après ce détour, l'histoire commence

Le père est revenu rechercher la mère et son fils de 9 ans qu'il avait abandonnés il y a six ans.
Il les « convainc » de quitter leur petite maison de ville pour rejoindre la vieille dépendance familiale en ruines située sur la montagne.
Le lecteur les accompagne dans leur long cheminement et leur installation dans cette bicoque appelée les Roches où le père de l'homme est mort il y a plusieurs années.
Pourquoi l'homme - ainsi désigné par l'auteur- veut contraindre « sa » famille d'aller là bas et quand reviendront-ils ?
La mère est fatiguée, elle est enceinte.
La relation entre le fils et sa mère est très fort, ce qui donne des forces et de l'énergie à cette femme « tombée » enceinte à 17 ans et devant affronter l'homme qui semble comme possédé.
L'homme n'est pas violent physiquement mais il semble entraîné par une force couplée à une obstination dont on finit par comprendre les ressorts liés à son enfance.
Le fils veille et envisage de laisser là ses géniteurs pour rester avec des chevaux sauvages rencontrés sur la montagne pensant à ces enfants élevés par des loups ;
« Mais il faudrait pour cela abandonner la mère à l'emprise du père, et il se résout à regagner la maison » les Roches »
Ce roman comporte un vrai suspense et est parsemé de descriptions de flores, de faunes et de paysages.
C'est un vrai régal même pour ceux qui, comme moi, ont pris l'habitude de lire des romans où l'action prime.
C'est un livre dense, passionnant, qui laisse des traces.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 20 avril 2022