Bastogne - la dernière offensive d'hitler
de John Toland

critiqué par Septularisen, le 26 septembre 2021
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
LA BATAILLE DES ARDENNES PAR QUELQU’UN QUI Y ÉTAIT!
Alors que depuis le 6 juin 1944 et le débarquement Allié sur les plages de Normandie, les armées alliées sont à l’offensive, - sur un front qui se déploie des Pays-Bas à l'Alsace -, tous les généraux américains estiment que les nazis sont déjà vaincus et ne sont guère plus en mesure de faire autre chose que de se défendre…

Et pourtant, en décembre 1944, dans un sursaut désespéré, Hitler et ses généraux leurs réservent une dernière «surprise», sous la forme d’une puissante contre-offensive, - préparée dans le plus grand secret -, dans les Ardennes Belges et Luxembourgeoises, et dont l'objectif final est la Meuse et le port d’Anvers.

Sous la protection d’un épais brouillard, et aidé par une météo très capricieuse , - clouant au sol l’aviation Alliée -, plus de 1.000 chars allemands et 250.000 fantassins se ruent à l’assaut des lignes américaines. L'opération «Garde au Rhin», s'attaque au point le plus faible des Alliés: les 135 km du «front fantôme», où l'on envoie les GI’s qui n'ont jamais vu le feu et les combattants mis au repos, afin de reformer les unités.

Le 16 décembre 1944 à 5h30 heures du matin, une terrible canonnade (2.000 pièces d’artillerie) ébranle les troupes américaines encore endormies. La Bataille des Ardennes venait de commencer…

«Plus à l’arrière, quelques hommes buvaient du café sous une tente servant de mess, tandis que le cuisinier Tyger pétrissait de la pâte à crêpes. Des projectiles commencèrent à siffler au-dessus de leur tête.
- Allez-y les gars ! Faites-leur-en baver!
Un obus atterrit à cent mètres de là.
- Mais… mais c’est pour nous! s’écria Tyger stupéfait.
Une explosion au-dessus d’eux projeta Tyger en l’air. Tandis que les autres regardaient la tente trouée par les shrapnels, le cuisinier retira lentement et d’un air dégoûté son pied du récipient et se remit à battre la pâte.» (Pg. 46).

Si John TOLAND (1912 – 2004) est surtout connu pour son immense biographie d’Adolf Hitler, qui fait référence encore aujourd’hui, celle-ci ne doit pas être «l’arbre qui cache la forêt», en effet M. TOLAND a écrit de nombreux livres sur la Deuxième Guerre Mondiale, dont bien sûr «Bastogne», sur la dernière grande offensive de l’armée nazie.
Alors, disons de suite, ce n’est pas de la «grande littérature», c’est même plutôt écrit comme on parle, par un homme dont le métier était plutôt d’être comédien et organisateur de spectacles, mais qui eut la chance - ou la malchance – c’est selon, de se retrouver à Bastogne en décembre 1944, lors de l’encerclement de la ville par les chars nazis.
C'est donc un témoignage de «première main», du vécu!

«Matthew Ridgway, commandant le 18e corps aéroporté, était encore le matin même en Angleterre. En atterrissant à Reins, il avait appris que deux de ses divisions étaient déjà en route pour les Ardennes. Personne ne savait exactement ce qui se passait, sinon que les Américains, pris par surprise, s’étaient fait écraser. Cette situation plaisait à Ridgway, d’un naturel batailleur. Il avait déjà préparé un plan d’attaque.
Le chauffeur freina brusquement, et Ridgway faillit heurter le pare-brise de la tête.
- Qu’est-ce qu’il y a, mon gars ? Tu ne vois pas clair?
- Pas très bien, mon général.
- Alors, ôte-toi de là que je prenne le volant. (Pg. 169-170)

Que dire de plus? Les faits sont bien exposés, M. TOLAND ne prenant pas fait et cause pour un camp (il n’y a d’ailleurs pas non plus de héros central dans ce livre), mais nous présente les évènements de manière factuelle comme ils se sont réellement passés. En bon historien il privilégie les faits, les faits et rien que les faits!.. Nous suivons donc de manière chronologique l’action dans les différents camps, les nazis, les américains, les anglais, les civils belges et luxembourgeois etc…

Au-dehors la fusillade augmenta brusquement, et le grondement des chars se fit assourdissant.
«Appelez le colonel Boos et demandez des chasseurs de chars» cria Mildren pour couvrir le vacarme.
Un jeune lieutenant d’état-major établit le contact radio:
«Mon colonel, il nous faut des chasseurs de chars.
Nous sommes envahis de Panzer.
- Combien sont-ils ? demanda calmement le colonel. Et a quelle distance?»
Une explosion fit trembler la maison et tomber le plâtre du plafond.
«Eh bien, mon colonel, répondit tout aussi calmement le lieutenant, si je monte au premier étage et que je pisse par la fenêtre, j’en arrose au moins six!». (Pg. 143-144)

Bien qu'écrit dans une langue simple et accessible à tous, le récit est touffu et dense. Il faut bien s’accrocher pour bien suivre, et se rappeler qui est qui, parmi la galerie de personnages tous différents qui nous est présentée. Heureusement, il y a aussi des cartes, qui permettent de bien suivre l’action et de bien comprendre l’importance stratégique de certaines villes, comme nœud routier important, dont Bastogne justement!
Le livre n’est pas dénué d’humour d’ailleurs, il est très vivant, très réaliste. On comprend p. ex. le désarroi et la difficulté des généraux américains à comprendre l'ampleur de l'offensive, alors que toutes les communications sont coupées...

«Le général Troy MIDDLETON venait d’arriver à un P.C. de division avancé pour découvrir pourquoi la première attaque vers Houffalize avait échoué. Pendant qu’il s’entretenait avec ses officiers, son chauffeur s’était installé dans le couloir sur une chaise pour récupérer quelques instants de repos. Il commençait à sombrer dans le sommeil lorsque quelqu’un lui marcha lourdement sur le pied. Il se réveilla furieux:
Bougre de con! Tu ne vois pas que je veux dormir?»
Il reconnut devant lui le général George PATTON. PATTON recula en éclatant de rire:
«Mon vieux, tu est bien le premier connard que je voie aujourd’hui qui sache ce qu’il veut faire!» (Pg. 426).

Mais on ressent aussi parfaitement p. ex. la peur des populations luxembourgeoises de Diekirch, Clervaux et Wiltz, qui se terrent dans leurs caves, - sans rien à manger et rien pour se chauffer alors que l'hiver est très rude -, afin d'éviter les bombardements, ennemis comme amis, d'ailleurs. Mais aussi la fuite des civils (à Bastogne p. ex.) voyant que les nazis reviennent occuper leurs villes, la confusion extrême qui règne parmi les troupes américaines lors des premiers jours de l'offensive, le froid intense qui paralyse le matériel et l’empêche de fonctionner, le fanatisme des troupes SS, qui n’hésitèrent pas à massacrer des prisonniers américains et des civils belges, le courage des GI’s qui parfois donnèrent leur vie pour défendre quelques centaines de mètres de terrain...

«Les camions arrivèrent et les croque-morts militaires commencèrent le chargement. L’un pris le corps par les pieds, l’autre par les épaules…
«Un, deux, trois, enlevez!»
Le cadavre, dur comme une planche, fut projeté en l’air et alla cogner violemment les parois du camion.
Un des parachutistes volontaires s’avança vers les croque-morts. Le visage blême de haine, il leur dit: «Recommencez encore une fois comme cela, et je vous fais sauter la cervelle!».
Les autres ne répondirent pas. Mais ils soulevèrent délicatement le corps suivant et le posèrent doucement dans le camion comme si c’était encore un homme.» (Pg. 502-503).

Assurément un des meilleurs livres sur la Deuxième Guerre Mondiale qu'il m'ai été donné de lire!..

P.S. : Pour ceux qui l’auraient vu, oubliez le film La Bataille des Ardennes (Battle of the Bulge, 1965) du réalisateur américain Ken ANNAKIN (1914 – 2009)! Malgré son casting cinq étoiles, - avec entre autres, Henry FONDA, Telly SAVALAS, Charles BRONSON, Robert RYAN -, etc… Et malgré son côté spectaculaire, s’avère n’être qu’une... Très mauvaise reconstitution des faits historiques! Et avec très peu de pertinence! Il y a notamment des erreurs dans les dates, les lieux, les batailles, le matériel, les événements et leur tournure, et même les noms des personnages ayant vraiment existé!
Ainsi p. ex. le Colonel SS nazi Hessler (interprété par l’acteur britannique Robert SHAW), s’appelait en réalité Joachim PEIPER (1915 – 1976, 6e Armée de panzer SS), et ne décéda pas dans les circonstances que l’on voit dans le film, puisque cette bataille n’eut jamais lieu dans la réalité!
Plus de détails Ici sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_Peiper