Ruralités
de Raynal Hortense

critiqué par Débézed, le 19 septembre 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La poésie est dans le pré
Quel plaisir de retrouver le recueils de Les carnets du dessert de lune après leur migration de Bruxelles en Normandie, sur une île de la Seine là où siège la Maison de la poésie de Normandie qui perpétue la magnifique œuvre de l’amie Jean-Louis Massot. Pour ce premier opus normand, j’ai eu la très grande chance de lire un recueil évoquant le milieu rural où j’ai passé mon enfance, mon adolescence et ma jeunesse, toute une partie de ma vie dont je garde de merveilleux souvenirs. Ce pays est bien loin de l’Aveyron d’Hortense, un coin de France qui m’est particulièrement cher, comme mon plateau jurassien, il est très rural mais c’est aussi mon lieu de vacances privilégié, j’y ai passé de très bons moments dans des lieux que j’aime beaucoup comme Villefranche-de-Rouergue ma cité de caractère préférée parmi toutes celles qui embellissent la France.

J’ai retrouvé aussi dans ce recueil l’élégance et la sobriété de la mise en page et de la présentation des poèmes mais surtout l’exigence littéraire qui faisait la marque des ouvrages édités par Les Carnets du dessert de lune et son maestro Jean-Louis Massot. Celui d’Hortense Raynal se situe parfaitement dans la lignée des quarante que j’ai déjà commentés pour cet éditeur.

J’ai particulièrement apprécié cette facilité avec laquelle Hortense joue avec les mots pour rendre les saveurs, les odeurs, les sons, la lumière, les couleurs, la douceur, la douleur, …, tant dans la faune que dans la flore, de ce monde rural qu’elle semble tant chérir. Ce recueil m’a laissé penser qu’elle éprouvait une profonde nostalgie des moments qu’elle a passé dans cette région et, peut-être aussi, une certaine point de culpabilité au moment de se séparer des lieux où ses aïeux ont passé toute leur existence. Et, où, elle, elle a connu la magie, la féérie que la nature seule sait offrir à ceux qui savent l’écouter, la regarder, l’entendre et l’apprécier à sa juste valeur. J’ai connu et éprouvé tout ça il y a bien longtemps hélas…

Pendant que mes yeux suivaient ces vers, j’entendais un véritable plaidoyer, un cri du cœur, un cri du corps, pour réhabiliter ce monde rural si longtemps décrier, narguer et même parfois mépriser. Ce monde rude, dur mais tellement authentique et si plein de charmes avec ses couleurs, ses odeurs et tous ses bruits, cris, sons, musiques, chants, hurlements, grincements, …, toutes ces manifestations de la vie dans son bouillonnement originel. La vie à la campagne, c’est l’aventure, « …c’est tracteur c’est fourche d’est trois kilomètres comme ça sans le permis engins c’est pommes de terre à planter avec l’index ». L’aventure dans un monde inconnu, « Des noms de villages qu’on dirait des noms d’oiseaux ». « Des odeurs de brebis au bout des doigts ».

Comme la mère d’Hortense, j’ai connu l’envie d’apprendre, de savoir, de raconter … : « … / elle a douze ans / écrit une rédaction / veut être haut placée / sera Paysanne ». Moi, je me suis évadée vers une autre vie peut-être pas meilleure, peut-être pas aussi belle, à coup sûr moins noble ! Hortense, elle, elle a compris le pays et avec ses mots, elle sait le faire revivre même si elle croit ne pas savoir : « Je sais mal les champs / Je sais le paysage je sais pas le pays / et que dire du pays dans un poème ? / Je sais pas le « faire » bon sang ».

Non seulement Hortense nous envoie de bien jolis poèmes, elle nous adresse aussi une bouffée de nostalgie, un morceau de son vécu, un peu de son âme, un souffle frais et vivifiant de son pays et beaucoup d’amour pour ses racines. Hortense, la poésie est dans le pré …