Les films de Pier Paolo Pasolini
de Martine Boyer, Muriel Tinel

critiqué par Bookivore, le 18 septembre 2021
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Celui par qui le scandale arrive(ra toujours)
Pier Paolo Pasolini... Un nom qui annonce toute une époque, les années 60 et 70, un certain cinéma, assez radical, brutal parfois, mais aussi poétique et intellectuel.
Un des plus grands réalisateurs (il n'aimait pas ce mot, d'ailleurs) italiens, avec Fellini, De Sica, Rossellini, Ferreri...
PPP n'était pas que metteur en scène, il était aussi écrivain, poète, dramaturge. Il a écrit "Les Ragazzi", son film "Théorème" a aussi été un roman, "Porcherie" a d'abord été une pièce de théâtre.
Homme à la vie personnelle tourmentée, notoirement homosexuel, ne le cachant pas, il a peut-être été assassiné, en fin d'année 1975, sur une plage d'Ostie, à cause de ses penchants sexuels personnels, rien n'est certain. Son dernier film, "Salo Ou les 120 Journées de Sodome", transposition, dans l'Italie de la République de Salo (1943), du fameux roman de Sade, était tellement "space", tellement choquant, tellement violent, que comme Gaspar Noé l'a dit, on aurait facilement pu assassiner PPP pour ce film, s'il n'avait pas déjà été mort au moment de sa sortie.
Ce livre, richement illustré de photos en noir & blanc ou couleurs, aborde l'intégralité de la filmographie du réalisateur, abordant chaque oeuvre, d'"Accatone" à, justement, "Salo" (dont une photo illustre la couverture), avec un petit essai distinct, qui résume le film (attention, il y a des spoilers, tout le synopsis du film est abordé, le final compris, donc, si vous n'avez jamais vu tel ou tel film...) et l'analyse, résume le concept, etc. Ce livre n'aborde pas que les films de longs-métrages : ses courts-métrages, ses documentaires ("Enquête sur la sexualité", "Carnets pour une Orestie Africaine"), ses notes de voyages filmées en vue de la préparation de tel ou tel film ("Les Murs de Sanaa", fait alors que PPP préparait "Les Mille et une Nuits"), sont aussi abordés, chronologiquement.
Pasoliniennes comme elles se décrivent, les deux autrices (auteures ?) nous offrent ici un livre passionnant qui ravira les fans de ce grand réalisateur sulfureux, et donnera peut-être envie à ceux qui ne connaissent pas Pasolini de voir ses films. Attention, si "Salo" vous intéresse : le film est certes ahurissant (François Chalais, à l'époque, sa critique télévisuelle est encore sur le Net, n'avait vraiment rien compris, à la limite de l'insulte post-mortem), mais il est, surtout, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Poésie pure 10 étoiles

Les films de Pasolini constituent la poésie dans sa pure quintessentialité. De par les adaptations qu'il a mises en scène, de par les œuvres monumentales à qui il a rendu justice, de par son regard inouïe, Pasolini a fait du cinéma de la pure poésie. Il ne faut pas oublier que l'adaptation de Salo ou les 120 journées de Sodome du marquis de Sade constituent à la fois une double critique : celle de mai 68 qui prônait l'exaltation de tous les désirs y compris les désirs pédophiles (se souvenir des pétitions qui ont été signées par la plupart des grands intellectuels de ce temps) et celle du fascisme comme système qui engendre une aliénation pure. Théorème marque d'ailleurs la venue d'un ange noir qui vient troubler l'ordre au sein d'une famille bourgeoise pour en révéler les désirs latents. Le versant de ce film consiste en l'adaptation des mille et une nuits qui forme un retour à l'érotisme le plus pur et le plus noble. Le cinéma de Pasolini est constitué de plusieurs périodes : réalisme (avec des scènes mémorables dans les rues de Rome), surréalisme bouffon (les contes de Canterburry) et mise en scène des plus grandes tragédies de notre histoire (La passion selon Saint-Matthieu, Médée avec Maria Callas, Œdipe...) Son sens de la dramaturgie consiste ainsi au sublime...Pasolini est mort comme un martyre, le corps roué de coups dans une société qui ne supportait pas la vérité crue et nue qu'il exposait. Je vous invite ainsi à regarder l'intégralité de ses films dont pas un ne se ressemble tant la virtuosité et le génie du poète et réalisateur italien est en phase avec notre histoire...

El Gabal - Strasbourg - 36 ans - 26 janvier 2022