Lettres à sa fille, 1916-1953
de Colette

critiqué par Sahkti, le 5 septembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
D'une Colette à l'autre
Entrée dans le monde intime de Colette grâce à cette correspondance échangée entre une mère et sa fille, entre deux Colette. Accaparée par son travail, Colette n’eût guère le temps de s’occuper de la petite Colette de Jouvenel, fille d’Henry de Jouvenel, journaliste, politicien et diplomate. Des parents tr ès occupés, une petite confiée à une gouvernante puis envoyée en internat.
Cette suroccupation n’empêchait cependant pas Colette de veiller au bien-être de sa fille, de surveiller ses fréquentations, de lui donner des conseils en matière de santé (ne pas fumer) ou de beauté (ne pas trop se maquiller), mais cela ne suffit pas à combler le manque d’amour de la fillette.
Colette se plaint d’avoir eu sa fille tardivement et au fil des courriers, on s’aperçoit qu’elle a souvent cherché à retrouver sa jeunesse via sa fille. Ce qui ne fut pas sans engendrer des souffrances et du chagrin.
Anne de Jouvenel, coordinatrice de la présente édition et nièce de la fille de Colette, explique que la petite fille a eu beaucoup de mal à se forger un prénom et une identité propre. Encore enfant, elle n’avait de cesse de voir sa maman mais l’éloignement de cette dernière a fini par pousser la demoiselle à la résignation et, devenue adolescente puis adulte, elle sera de moins en moins présente aux côtés d’une mère jadis absente et qui, désormais, réclame de l’attention de la part de sa fille. Si au début, la petite supplie sa mère de lui écrire, vers la fin, c’est une Colette vieillie et malade qui réclame du courrier à sa fille.

A travers cette correspondance, malgré l’éloignement sentimental et la distance, on se rend compte qu’il existait pourtant une complicité et beaucoup d’amour entre les deux femmes. Avec par moments, un certain sentiment d’impudeur qui m’a envahie, moi qui lis beaucoup de correspondances. De toute évidence, celle-ci était privée et aurait dû le rester. Si cette édition permet de mettre au jour une facette moins connue de l’écrivain Colette, je ne suis cependant pas certaine que ni elle ni sa fille n’auraient aimé que leur vie privée soit ainsi étalée au grand jour, et pas uniquement parce que le contenu de ces lettres donne une image pas toujours glorieuse de Colette mère. Il y a des secrets que seules une mère et sa fille peuvent partager, personne d’autre.
Lettres de Colette à sa fille 10 étoiles

Je partage le même sentiment que vous en ce qui concerne l'impudeur. Je ne trouve cependant pas Colette discréditée par ses lettres. Quelle leçon de vie n'y trouve-t-on pas encore! Certes parfois cinglante mais quelle mère n' a voulu le meilleur pour son enfant. Il est vrai qu'au départ, l'affectif y est absent, il illustre bien le fait que Colette (comme beaucoup de femmes) a dû apprendre à devenir mère mais les mots que j'utilise me semblent réducteurs, il y aurait beaucoup à dire, à discuter, à analyser,etc...
Hormis tout l'aspect psychologique, Colette nous prouve une fois de plus sa maîtrise du style, sa pertinence, sa sensualité hors contexte littéraire.
Ces lettres se dégustent au même titre que la plupart de ses livres.

Marie Denal - - 73 ans - 13 avril 2006