Marie-Thérèse d'Autriche
de Alexandre Mahan

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 10 septembre 2021
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Une reine et son temps.
Voici une biographie comme on les aime. L’auteur annonce d’emblée qu’il n’a pas l’intention de détailler toutes les guerres qui ont jalonné le règne de Marie-Thérèse mais que son but est de se pencher sur son rôle face aux grands événements de son siècle.

Pour commencer il nous rappelle ce qu’étaient le Saint Empire Romain Germanique et la Monarchie autrichienne. C’est très curieux. Pour les Allemands, l’empereur du Saint Empire est le successeur direct de César-Auguste et des empereurs romains. Il nous dit que ce que nous appelons les invasions « barbares » sont, pour les Allemands, des peuplements de Germains – qui n’étaient nullement des barbares – et que ces peuplements ont permis à l’Empire romain de se perpétuer de Rome à Constantinople puis à Vienne, jusqu’au début du XXème siècle. Il ajoute que le mot « saint » a été voulu par la papauté qui, depuis le couronnement du Germain Charlemagne par Léon III en 800, prétendait avoir son mot à dire dans le choix de l’empereur. Ces explications sont un peu tordues, à mon avis, mais ça explique pourquoi, du temps de Marie-Thérèse, le pouvoir de l’empereur était littéralement sacralisé.

Il nous explique encore que la monarchie était l’héritage des Habsbourg dont Marie-Thérèse a été la détentrice à la mort de son père Charles VI, qui avait imaginé une « pragmatique sanction » afin qu’une femme puisse monter sur le trône. Et l’auteur décortique la situation compliquée des territoires qui se chevauchaient et parfois s’excluaient entre l’empire et la monarchie.

Ensuite l’auteur fait le portrait des contemporains de Marie-Thérèse. C’est intéressant parce que nous avons en détail toutes les raisons des rivalités, des alliances et des guerres du XVIIIème siècle. Nous admirons alors l’acharnement de Marie-Thérèse à préserver son héritage contre la rapacité de la Prusse de Frédéric II, de la France de Louis XV, des Turcs de l’Empire Ottoman, sans compter tous les princes des territoires allemands et italiens pour qui la loi du plus fort était toujours la meilleure. On admire aussi sa ténacité et sa capacité à nouer des alliances avec la Russie des Tsarines Elizabeth puis Catherine-la-Grande, l’Angleterre de George II, l’Espagne de Ferdinand VI et surtout les Hongrois qui furent toujours ses plus fidèles alliés.

L’auteur nous fait pénétrer ensuite dans l’intimité des Habsbourg et nous présente un portrait psychologique très intéressant de Marie-Thérèse, de son mari l’Empereur François de Lorraine et de leur très nombreuse progéniture. (Marie-Thérèse a eu 16 enfants dont 10 ont survécu jusqu’à l’âge adulte).

Le livre se termine par un aperçu de l’activité diplomatique du règne de Marie-Thérèse et s’attarde sur le malheureux partage de la Pologne que d’aucuns considèrent comme le crime politique de son règne. Mais l’auteur arrive sans peine à innocenter Marie-Thérèse en expliquant comment elle avait été dupée par son propre fils Joseph II qui avait comploté cet infâme partage avec le Roi de Prusse, son pire ennemi qu’elle appelait l’Attila prussien, et Catherine de Russie qui, sans attendre la fin du complot, envahissait la Pologne.

L’auteur de cette biographie se veut objectif mais n’arrive pas à cacher sa grande estime et son admiration pour la Reine Marie-Thérèse. Elle fut la seule femme de la Maison de Habsbourg qui ait gouverné et a certainement été la plus capable, la plus glorieuse et la plus consciencieuse, d’après lui, de tous les souverains de cette dynastie, qui a rempli la longue période qui s’étend des croisades à la première guerre mondiale.

L’auteur conclut en disant que beaucoup d’historiens, surtout français, ont porté des jugements défavorables à la dynastie des Habsbourg et à la Reine Marie-Thérèse en particulier. Mais c’est oublier, dit-il, que cette dynastie, et Marie-Thérèse en son temps, ont été le seul rempart aux invasions de l’Islamisme, qui sans eux, auraient englouti l’Europe entière en balayant de la surface de la terre la civilisation chrétienne. Un avis autorisé que tout lecteur de cette magnifique biographie ne manquera pas de partager.

L’auteur avait annoncé d’entrée de jeu que son livre s’adressait à un public cultivé. Mais, à mon humble avis, il devrait intéresser et même passionner tout amateur – dans le sens de non spécialiste – de biographies et d’Histoire en général tant il est complet, bien écrit et d’une lecture vraiment facile et agréable.