Apocalypse cognitive
de Gérald Bronner

critiqué par Colen8, le 2 septembre 2021
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Chasse au temps de cerveau disponible
Prise dans son sens premier l’apocalypse est une révélation. Appliquée au fonctionnement cérébral elle met en évidence la médiocrité des esprits qui contribue au succès des réseaux sociaux après avoir fait celui des précédents médias. Toute l’histoire de l’évolution de Sapiens s’inscrit dans sa libération progressive des contraintes matérielles liées à la survie et au succès reproductif pour accorder plus de temps à la spéculation intellectuelle dont ont découlé la pensée philosophique et les avancées scientifiques. Ce temps de cerveau disponible selon le sociologue Gérald Bronner est le véritable trésor que savent si bien exploiter les moteurs de recherche des plates-formes numériques à l’aide des IA addictives.
Les traces laissées par les internautes sont ainsi canalisées pour leur offrir les contenus les plus excitants : des informations qui agissent sur les circuits de récompense alimentés par la production accrue de dopamine. Ce qui suscite indignation ou peur retient mieux leur attention que les trains qui arrivent à l’heure. Dépassant largement celle des biens culturels l’appétence mesurée pour les sites de pornographie, de désinformation, de complotisme est inhérente à la nature humaine. Il y a donc lieu de s’inquiéter du recul de la pensée rationnelle face au déferlement massif de croyances infondées. D’autres études cognitives font état d’une baisse moyenne du QI et d’une montée non moins certaine du crétinisme...
Encore un effort de lucidité intellectuelle 10 étoiles

Gérald Bronner a déjà publié de nombreux ouvrages faisant le constat d'une baisse dramatique de la lucidité intellectuelle chez nos concitoyens. Avec cet ouvrage il continue en prenant une voie originale de tracer son chemin, poursuivant sa réfutation de la croyance qui "peut donc interdire à la connaissance de faire valoir ses arguments" (p.13). Å l'appui de ses propos il constate que même ceux qui défendent la théorie que la terre est plate "connaissent aujourd'hui un certaine audience" (p.17). Il remonte alors l'histoire de l'humanité pour indiquer que l'homme a tout fait pour "libérer du temps de cerveau" (p.37) qu'il estime être le plus précieux de tous les trésors. Or il constate que "la progression fulgurante de la technologie" (les ordinateurs) met à mal " la libération progressive de notre temps de cerveau disponible" à laquelle l'humanité a travaillé, consciemment ou inconsciemment, depuis des siècles. Cependant il estime qu'aujourd'hui jamais notre temps de cerveau libre n'a été aussi important et que simultanément la progression de la technologie (les écrans) digère notre disponibilité mentale.
Il démontre ensuite par le menu comment tout est fait dans notre monde pour capter notre capacité d'attention et que, malheureusement, les stimuli les plus simplistes, les plus immédiats, les plus légers l'emportent de plus en plus sur la disponibilité mentale, le temps de réflexion et de lecture, l'attention à débrouiller la complexité du monde. Constat désolant qui laisse planer une forte inquiétude sur notre avenir.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 25 octobre 2022