Avoir fleurs
de Tristan Alleman

critiqué par Débézed, le 30 août 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Des mots en bouquet
Cactus inébranlable éditions a confié la rédaction du troisième opus de sa nouvelle collection, Microcactus, à Tristan Alleman, un amoureux de la forme courte. Dans sa biographie, son éditeur écrit à son sujet : « Ecrire court reste son plaisir favori, par fainéantise sans doute, mais surtout par envie de toucher les mots justes au plus près de leur sens ». Je retiendrai plutôt cette dernière proposition car il faut beaucoup travailler pour choisir le terme le plus juste, le plus approprié, le plus significatif. Tristan Alleman le fait très bien.

Dans ce Microcactus, il propose des textes courts, trois par pages pour une cinquantaine de pages d’un petit format. Des textes comme des très brèves nouvelles, des aphorismes un peu développés, ou simplement, comme le définit Alexander Dickow dans son dernier recueil : « Déblais » publié chez Louise Bottu éditions, des fragments. Ces textes courts proposent des variations sur les mots qui peuvent conférer, en jouant notamment sur les assonances, une signification imprévue aux phrases, expressions, propositions, maximes et autres fragments en leur donnant un sens imagé, cocasse, drôle, incongru, étonnant, surprenant… J’ai noté, notamment, ce jeux sur les assonances qui m’a beaucoup amusé : « A glace ou à roulettes : le patin. A glace ou à roulettes : le matin. A glace ou à roulettes : le gratin. A glace ou à casquette : le gamin ».

J’ai aussi bien apprécié cette novelette : « Le pianiste fumait en jouant. L’avait écrit sur son instrument : Ne tirez pas sur le trompettiste. Trouvait ça chouette. Se croyait malin, le pianiste. Le fût moins quand il reçut une balle dans le cigare ». Ce trait d’humour ne m’a pas laissé lui non plus indifférent : « Ils cherchèrent l’aiguille dans la botte de foin. Ils y firent l’amour et bien d‘autres choses. Sans se piquer le moins du monde. Encore une légende ». Le détournement est aussi un art que Tristan maitrise très bien, comme les clins d’œil aux surréalistes dont cet aphorisme humoristique est un exemple « Covid-40 : Jacky attrapa le virus par la queue. Il attendit quelques jours qu’une quarantaine de types le rejoignent pour partager l’affaire. Puis on n’en parla plus ».

Ce recueil est aussi rempli de références littéraires ou cinématographiques comme celle-ci : « Sur le quai, Boudu regardait la Seine. Le vin n’y coulait toujours pas. Il conçut une grande tristesse. Oublia son intention de se suicider. Fila au Petit parisien commander un blanc sec ». Sans oublier quelques jolies blagues bien troussées : « J’avais raison. Enfin, je le croyais. J’étais le seul à le croire. Souvent, faut prouver les choses, avec des détails, des images, des musiques. Un tas de choses bizarres qu’on trouve facilement par ici. La forêt vierge ne l’est pas pour rien ».

Une fois de plus le Cactus inébranlable éditions le prouve avec ce recueil de Tristan Alleman, l’économie de mots dans le texte, et même dans la phrase, n’est nullement un handicap pour sa qualité littéraire.