Déblais
de Alexander Dickow

critiqué par Débézed, le 8 août 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La littérature française vue de Virginie
Alexander Dickow, écrivain américain résidant en Virginie, m’a déjà bousculé avec un texte plein de poésie en vers, en prose, mais parfois beaucoup plus pragmatique, pour parler de gourmandises de fruits inconnus mais surtout des kakis … Dans ce nouveau texte, il évoque, la littérature, l’écriture, la lecture, …, tout ce qui constitue la transmission des idées, des sensations, des impressions, des sentiments, des émotions, …, avec des mots couchés sur le papier ou sur un autre support. Une autre façon de parler de gourmandise, non plus de celle des fruits mais de celle des mots.

Ce nouvel opus est un recueil de ce que j’appelle souvent des textes courts et que lui nomme des « fragments », des textes de quelques lignes et parfois même de quelques mots seulement pour formuler un aphorisme ou un trait d’esprit fulgurant toujours très bien ajusté. Alexander est bilingue, il écrit et parle l’anglais et le français, au moins, avec, en ce qui concerne le français une très grande justesse. Il a une très grande maitrise de notre langue dont il connait tous les arcanes et dont il use avec un grand art. On reconnait bien l’auteur qui a étudié la langue dans ses moindres détails et a appris à en user dans le plus grand respect de l’acception des mots. « Mon commerce avec la poésie anglophone reste-t-il trop accessoire pour affirmer que j’écris au cœur de plusieurs traditions ? Suis-je condamné à écrire en langue anglaise une poésie francophone ? »

Ce recueil de « fragments » n’est pas seulement une suite de pensées, d’avis, d’opinions, …, c’est un véritable essai sur la langue française, la littérature française, … Un essai à travers lequel l’auteur propose des explications, des réflexions, des suggestions, …, discutant pour commencer de la théorie et la pratique de l’écriture. « Les propos théoriques sur l’écriture supposent une présomption insoutenable : celle, irritante entre toutes, de prétendre à une certaine précision… ».

A travers ses fragments, aphorismes et traits d’esprit, il discourt notamment de l’art en général et de l’art pour l’art en particulier. « …l’art pour l’art n’a jamais été une véritable doctrine, faute d’abord d’adhérents. Ceux qui revendiquent l’idée de l’art pour l’art manquent de crédibilité encore plus que les autres ». Il évoque aussi la politique, la religion et surtout la poésie qui semble occuper une place prépondérante dans sa biculture littéraire. « La poétique de l’image est-elle démodée, est-elle dépassée ? Non : Elle est inscrite si profondément dans l’imaginaire du poétique qu’elle relève toujours de l’ordre dominant, même lorsqu’elle subit une éclipse… » comme c’est le cas aujourd’hui.

Etant moi aussi un adepte de la forme courte, mais seulement comme lecteur, j’ai lu avec attention ce qu’il en écrit. J’ai choisi de vous rapporter ces deux courts extraits : « Le fragment s’écrit sous le signe du reste et de l’excès, du débordement et de la lacune… », « Le fragment a le don d’assumer la forme d’une question, sans point d’interrogation… ». Quelques mots seulement pour dire qu’en très peu de mots on peut formuler des propos très importantes, très forts, très puissantes, …, qu’on peut poser les meilleures questions et formuler les plus pertinentes réponses…

Alors avec Alexander Dickow : « Allons voir ce qu’il y a là-bas – au bout de la langue ».