Fragiles
de Philippe Delerm, Martine Delerm

critiqué par Sahkti, le 2 septembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Douce et tendre fragilité
"L’absence ce n’est rien. Une table posée contre l’océan du silence, de l’encre et du papier. Tout est très fort, la nuit s’efface ou la nuit vient, je n’ai pas peur. La tête un peu penchée, je ne regarde que la feuille de papier. Les mots s’envolent et tu es là. L’absence ce n’est rien. Un peu de temps très pur pour inventer demain."

Un livre magnifique pour les yeux, pour le corps et pour l’âme. Des petits mots épars sur la vie, l’enfance, le voyage, le rêve, la liberté, la peur, le chagrin ou l’amitié. Tous ces concepts qui font que nous sommes Nous. Il y en a trente en tout, des mots que nous employons chaque jour et que Philippe Delerm définit avec la magie de ses mots.
L’imagination du lecteur est mise à l’épreuve et lui démontre à quel point ces notions sont fragiles.
Chaque texte est superbement illustré par les aquarelles de Martine Delerm. Un livre à offrir et à s’offrir. Il fait du bien.
Oui, il fait du bien ! 8 étoiles

Ce n'est pas un livre avec une histoire, pas un récit de choses. C'est juste un regard que portent deux auteurs sur l'enfance, le rêve, la liberté, le bonheur, la solitude, le chagrin, la peur, l'amitié ou les souvenirs (entre autres). Les illustrations de Martine Delerm rappelent celles de Saint-Exupéry et de son Petit Prince. Dans "Fragiles" c'est souvent une petite fille qui joue aux anneaux, contemple des crayons, s'envole sur une balançoire ou arrose un arbre. C'est un très joli regard sur la vie et ses sentiments qui l'habitent. C'est aussi un beau rapport amoureux entre deux auteurs qui se respectent et scrutent le travail de l'autre, mettant la touche de l'encre pour combiner un joli petit livre de mots. Car "Fragiles" c'est un exercice de mots avec lesquels jouent deux auteurs, via la plume. Les mots et les dessins composent ce livre - un O.L.N.I (Objet Littéraire Non Identifié). On peut le relire plusieurs fois et y redécouvrir des moments, des passages oubliés, qu'on n'avait pas forcément saisis et qu'on redécouvre avec étonnement. Un livre qu'on peut ouvrir à n'importe quelle page sans en perdre le fil de lecture. Car "c'est le regard qui fait le monde", pour un livre où l'on considère le rêve comme "des bulles de temps, gouttes légères", où "à chaque risque le bonheur est là", où "l'absence ce n'est rien - un peu de temps très pur pour inventer demain", où "il ne restera rien qu'une courbe d'épaule" pour l'oubli, où "devenir allié du silence, ami des jours perdus" signifie la patience...

Et avant de finir, je glisse deux jolis extraits sur les souvenirs et l'amitié. "Feuilles d'arbres froissées, feuilles séchées, les choses se détachent. Un peu moins de couleurs, un peu moins de parfums, les jours tombent en sommeil. Le soleil est resté, dilué dans le brouillard. Eté de la Saint-Martin, lent regard de novembre, les feuilles de la vie deviennent au ralenti des feuilles de papier." & "Avec l'eau pure des instants volés. L'eau forte des secrets, l'eau calme et simple des jours sans importance. Avec rien à donner mais tout le temps perdu, le courage des heures et les rêves blessés. Pour inventer quelqu'un de l'autre côté du silence; pour l'ombre d'un sourire et la fraîcheur d'un long feuillage, cet arbre de douceur au coeur du monde."

Clarabel - - 48 ans - 16 décembre 2004