La femme de l'autre rive
de Roger Faindt

critiqué par Débézed, le 2 août 2021
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Une chanson d'amour sur un air de flamenco
Avec ce roman, Roger Faindt raconte l’histoire de Lucien, un jeune Bisontin habitant le quartier Villarceau dans la rue où j’ai travaillé pendant les dernières années de ma carrière professionnelle. En 1936, Lucien est un jeune homme modeste qui a eu la chance de recevoir deux héritages qui l’ont dispensé de travailler pour gagner sa vie mais nullement de militer dans un groupe de révolutionnaire pour défendre la cause des moins bien lotis notamment des ouvriers exploités par le patronat toujours avide de gains plus importants.

Ce roman c’est aussi un roman d’amour car Lucien aime les belles filles qu’il courtise assidument comme Anita la jeune musicienne pas compliquée qui accepte volontiers de partager son lit sans autre forme d’engagement ou comme les belles Espagnoles qui croisent le chemin du jeune Don Juan : Estrella la fière Catalane émigrée à Besançon ou Elena la belle Andalouse qu’il rencontre lors d’une mission sanglante lors de la guerre civile espagnole. Peut-être que la femme idéale qu’il recherche au cours de ses hésitations amoureuses entre les deux Ibères, résiderait dans une synthèse des trois femmes qu’il honore dans ce roman.

Ses élans amoureux sont aussi fortement marqués par son engagement politique, Lucien considère Estrella comme une bourgeoise fidèle aux phalangistes et Elena comme une franquiste à laquelle il a sauvé la vie lors d’un raid contre sa famille à Balaguer. Il met ses idées en pratique, l’auteur raconte comment il s’est engagé à plusieurs reprises dans les Brigades internationales pour lutter contre les fascistes. Ce roman est aussi un texte politique et militaire démontrant la violence et la cruauté du conflit qui oppose souvent des amis ou des membres d’une même famille comme Jean Ferrat l’a chanté dans sa magnifique chanson : « Maria ». L’auteur insiste fortement sur l’engagement politique de Lucien tant dans la lutte contre le patronat exploiteur que contre les fascistes conquérants.

Mais le fil rouge de ce livre reste la musique, la musique jouée sur une guitare en suivant une partition d’un auteur espagnol de préférence. Ce texte est une véritable anthologie de la musique espagnole pour guitare, on y croise tous les grands musiciens ibériques : Rodrigo, Albéniz, de Falla, Granados et bien d‘autres avec toute une liste des meilleurs morceaux qu’ils ont écrits pour la guitare, l’instrument dont joue magnifiquement Lucien et Estrella et dont Elena a elle aussi joué avant de se consacrer, en bonne Andalouse, à la danse. L’auteur lui-même jour de cet instrument.

In fine, un roman très ambitieux : une histoire d’amour aux allures de tragédie grecque, un regard sans concession sur la guerre civile espagnole, une page de culture sur la musique espagnole et, pour moi, une balade pleine de nostalgie sur les chemins que j’empruntais pour me rentre au boulot au début de ce siècle.