Mexican Gothic
de Silvia Moreno-Garcia

critiqué par Dervla3012, le 25 juillet 2021
( - 18 ans)


La note:  étoiles
Quelques clichés rapidement occultés par une trame captivante et une atmosphère en or !
De quoi ça parle ?

À Mexico City, Noemí Taboada est adulée de tous : belle, séduisante, intelligente mais surtout indépendante. La jeune fille mène une vie confortable faite de soirées mondaines, de nouveaux achats, d’études mais aussi d’un tourbillon de petits amis. En somme Noemí est heureuse (n’eût été la mentalité arriérée de son père qui refuse de la laisser intégrer une université).

Enfin, elle était heureuse jusqu’à l’arrivée d’une lettre de sa cousine Catalina : déjantée, hystérique et parfois incompréhensible, la missive est inquiétante. Une chose cependant est claire – Catalina lance un appel au secours à sa cousine, la supplie de venir l’aider car elle se pense en grave danger.

Bien que réticente à l’idée de quitter sa bulle de sécurité, Noemí finit par répondre à la demande et se rend dans la maison de sa cousine – qui est en fait la demeure familiale des Doyle, la famille de son mari. Perchée dans les montagnes mexicaines, à l’écart même du dernier village d’altitude, la propriété émerge à peine des couvertures de brumes qui l’entourent.

Entre ses parois, Noemí devra bien vite faire face à une situation étrange. Pour commencer, Catalina dit entendre des voix à travers les murs, affirmations mises sur le compte d’une prétendue tuberculose par tous les autres habitants des lieux. Ensuite, les hôtes eux-mêmes, les Doyle : une famille de snobs anglais qui considèrent les Mexicains comme leurs serviteurs par nature et les femmes comme des objets à marier.

La tension monte très vite au sein du petit groupe isolé. Noemí est dégoûtée par les idéologies fascisantes de ses hôtes mais elle ne peut abandonner sa cousine malade – d’autant plus que son état semble s’empirer et qu’on limite de plus en plus ses visites au chevet de Catalina.

Que cache cette famille dans son grand manoir ? Bien vite Noemí va se rendre compte que plus son besoin de quitter ces lieux oppressants devient pressant, moins son départ est possible. Avec les cauchemars qui commenceront à hanter ses nuits, se pourrait-il que la jeune fille se mette à son tour à entendre des voix lui susurrer à l’oreille à travers les murs ?

Mon avis :

Tout d’abord, une petite mise en contexte : en général je suis plutôt une lectrice de classiques et de thrillers/romans à suspense. Ainsi Mexican Gothic était l’un, voire le premier véritable roman d’horreur que je lisais. On dit généralement que lorsqu’on essaie un nouveau genre littéraire, on est dupe de tous les artifices narratifs et autres ruses de l’auteur qui affligeraient par leur banalité des lecteurs plus aguerris. C’est peut-être mon cas ici, n’empêche que ce roman m’a efficacement emportée dans son univers malsain et terrifiant.

Pour commencer, l’un des éléments qui m’a le plus marquée, c’est l’atmosphère du livre. Elle est envoûtante et fascinante d’une façon très particulière, qui donne au récit un aspect de rêve ou de mirage. Bon, pris séparément, les éléments du récit ont déjà été vus et revus (une demeure qui tombe en décrépitude, incarnation d’une splendeur d’antan, isolée au plus profond d’une forêt de montagne ; des nappes de brume qui viennent lécher et dévorer quiconque s’aventure trop près ; un vieux cimetière, théâtre d’apparitions horrifiques ; une belle-famille odieuse suspectée de tentative d’empoisonnement…), pourtant, peut-être en raison du contexte mexicain que, pour le coup je ne connaissais pas du tout, tous ces éléments fonctionnent.

L’auteure saisit certains détails du contexte horrifique et les dépeint avec une vitalité qui pique le lecteur au vif : un train qui ascensionne avec difficulté le flanc d’une montagne, ou encore un hameau étouffé par la misère qui tente malgré tout de conserver les vestiges d’une apogée passée et révolue.

De même, Mexican Gothic contient beaucoup de scènes clichés du genre (visions horrifiques, histoire d’amour interdite, etc.), mais la résolution et les explications, elles, sont toutes sauf déjà vues ! Certes, elles sont un peu (voire beaucoup) tirées par les cheveux, mais si loufoques et si gothiques que c’en est plaisant. Le lecteur aura droit à un vaste étalage de descriptions, toutes plus répugnantes et repoussantes les unes que les autres, mais étrangement captivantes… Autant prévenir le lecteur d’emblée, il y a de nombreuses récurrences d’éléments gores : des murs qui suintent de pus, des incestes, et j’en passe.

Quant aux personnages, s’ils ne sont pas particulièrement originaux, ils réussissent tout de même à retenir assez le lecteur pour qu’il ait envie de connaître leur destinée : une demoiselle bornée et courageuse (peut-être un peu trop cliché sur certains points, certes) ; un vieux patriarche vicieux ; un jeune descendant soumis et dévoué…

En conclusion, Mexican Gothic est un livre qui répond vraiment à ce qu’on attend d’un roman du genre : une plume fluide, des actions et des rebondissements captivants et une atmosphère en or ! Ce serait peut-être mieux si Silvia Moreno Garcia se détachait des trames narratives déjà vues, mais c’est un roman qui m’a laissée avec beaucoup d’images saisissantes en tête.