L'Américain
de Franz-Olivier Giesbert

critiqué par Tophiv, le 2 septembre 2004
(Reignier (Fr) - 49 ans)


La note:  étoiles
Copinage et partialité
Pour ceux qui n’ont pas la télé, qui ne lisent pas les journaux, qui n’écoutent pas la radio, voici quelques mots sur l’histoire :

« Après le Débarquement, il avait rencontré ma mère lors d'un bal donné à Rouen, en l'honneur des libérateurs. Et il s'était fixé en Normandie. Il me battait beaucoup. Il battait, surtout, beaucoup maman. C'est pourquoi j'ai passé mon enfance à vouloir le tuer. Ma haine contre lui ravagea tout en moi, ma lucidité et mon humanité. Jusqu'à sa mort. Mais jamais je n'oublierai le sourire souffrant qu'il traînait partout et qui, aujourd'hui encore, me fend le cœur. »

Il, c’est donc un soldat américain, le père de FOG.

« Jamais je n’oublierai les bouts de phrases qu’il bafouillait, pour engager la conversation avant de capituler et d’aller promener sa solitude ailleurs [..] C’est maintenant seulement que je comprends à quel point je lui ressemble. »

Voilà, vous avez maintenant un aperçu complet du contenu de ce livre. A part ça, pas grand chose de plus !

Certes le propos semble franc et le passé de FOG est intéressant à raconter mais cela ne suffit pas à faire un bon livre et encore moins un grand livre. Le style reste plutôt pauvre, tout est effleuré, juste raconté sans être véritablement exploré. C’est un roman sincère mais pour moi, à la lecture de ce livre, FOG est encore bien loin d’être un écrivain. Il se contente ici d’un « témoignage mis en phrases ».

Et pourtant que de louanges dans les médias pour faire passer ce livre pour ce qu’il n’est pas, à savoir : le premier grand roman d’un nouvel auteur majeur ! Quelques exemples :

« Il y a du souffle, un élan narratif, de la force de conviction, dans cet Américain. »
L’humanité – Jean Claude Lebrun

"Pour autant, ce récit noir comme du Maupassant est un miracle: de gaieté, de fantaisie et, allez comprendre comment, de tendresse aussi. La vraie, celle qui ne rend pas les armes. On n’a peut-être jamais mieux dit comment la guerre continue et se propage des pères aux fils, longtemps après qu’elle a cessé."
Nouvel Obs. – Jean Louis Ezine (Il l’a répété également à la radio dans le masque et la plume sur France Inter)

"Il se dévoile jusque dans ses tics d'écriture : naïf et touchant. Giesbert n'est jamais dans le détail, il est dans l'élan. "
Le Figaro magazine - E. de Montety

Evidemment, FOG étant un ex-collaborateur du nouvel obs. et du Figaro, FOG ayant présenté le dernier bouquin d’Ezine dans culture et dépendances, on peut s’interroger sur la partialité de ces avis.

Et que dire du journal le point dont il est le nouveau PDG dans lequel Jean Paul Enthoven, un journaliste avec lequel il cosigne parfois certains articles, croit bon de rajouter une très très flatteuse comparaison avec la lettre au père de Kafka.

On peut également parler du service public : encensé chez Durand dans Campus, Un livre un jour, Fogiel, peut être même chez Ardisson .. , et également, TF1 avec Vol de nuit de D’Arvor …. comme quoi, les relations de « travail » sont utiles pour se faire de la pub gratuite et détournée puisque la publicité dans le monde de l’édition est pour quelques semaines encore interdite en France !

Bref, je n’ai trouvé qu’une voix dissonante pour s’élever contre ce roman écrit par un « homme du sérail » :

« Le roman de Franz-Olivier Giesbert pourrait illustrer, dans un dictionnaire, le mot " insipide ". Écrit à l'eau de bénitier, " L'Américain " débarque son lot de clichés à trois sous. »
LMDA – Thierry Guichard

Mais cet avis me semble si sévère que je m’interroge à l’inverse sur les motivations du journaliste, peut-être une vieille rancune à satisfaire ou juste un petit contre pied pour se démarquer !

Bref, mieux vaut faire confiance à un critiqueur de ce site qu’à l’avis des médias ….
Est-ce qu'on peut tout pardonner aux héros ? 3 étoiles

Ce livre dérange énormément.

La violence physique exprimée envers la mère du protagoniste est importante, le jeu de la soumission mais aussi la détresse de l'insolence comme défense. On imagine la femme battue comme faible, mais ici la mère est prof de philosophie, elle contre avec les mots (un peu et de temps en temps).

Le père est un artiste déchu et déçu, le fils un écrivain... C'est dans cette famille de quatre enfants que les malheurs s'accumulent : dès les premiers chapitres, une scène de viol rajoute une couche pour les lecteurs sensibles... S'abstenir !

L'auteur renvoie une haine extrême envers son géniteur et se jure de le tuer plus tard. Les descriptions du 6 juin 44 se font à coup d'intestins en sang sur la plage, ou de visage avec les yeux qui pendent... Voila pour la violence, le lecteur en prend pour son argent.

Sinon, j'attendais de ce livre une analyse de la France des années 60, dans l'optique de "comment étaient vus les américains intégrés et mariés en France". Ces descriptions n'ont pas lieu et me manquent, surtout que l'auteur, au début du livre, rappelle pourquoi après un essai aux USA, les parents rentrent en France. La critique de la société américaine après guerre est visible entre les lignes.

Et puis j'aurai aimé une discussion sur le thème "est-ce qu'on peut tout pardonner aux héros?" Mais le personnage principal voit son père uniquement dans le cadre familial et manque de décalage, adulte, en écrivant son livre.

Finalement, je ne m'attendais pas à un roman psychologique, une psychoanalyse sur le papier, puisque l'auteur s'en démarque dès les premières pages. Mais une petite analyse en dessous de la couche de listage événementielle n'aurait pas fait de mal.

Yotoga - - - ans - 4 juin 2013


intéressant mais un peu trop en surface 6 étoiles

Pas mal du tout du tout! Assez fluide, intéressant (les histoires de père violent me prennent assez sérieusement aux tripes)... malheureusement, cela me semble un peu court : l'auteur aborde la philosophie, la guerre 40-45, les religions, la vie à la ferme et la relation avec la faune... mais toujours un peu trop en surface. J'aurais aimé plus!

Mais un "beau" (c'est peut-être pas le meilleur qualificatif, désolé) brossage de portraits (l'auteur, son père et sa mère en tout cas!)

Manumanu55 - Bruxelles - 45 ans - 10 mai 2008


Dévoilement 8 étoiles

L'Américain : un héros de ce 6 juin 1944 où, jeune homme de 20 ans, il débarque sur le sable rougi de Normandie, la peur au ventre. Il ne s'en remettra jamais tout à fait. Fils de famille, né à Chicago, Frédérick Giesbert n'était pas préparé à cette épreuve, dont le souvenir le hantera jusqu'à la fin de ses jours. C'est en Normandie à Saint-Aubin-lès-Elbeuf pourtant, qu'il passera sa vie, aux côtés d'une épouse aimante, catholique et professeur de philo. Peintre frustré, contraint d'accepter un boulot alimentaire dans l'imprimerie de son beau-père, Frédérick Giesbert ressassera ses haines jusqu'à plus soif : l'Amérique, l'art contemporain, l'Eglise catholique, l'Union soviétique, le plastique, le béton ou la publicité qui le fait vivre. D'où ce déchaînement de violence. Dans un style âpre, l’auteur raconte tout : les fantasmes, un viol, les émois adolescents. On est chahuté par ce matérialiste qui voit Dieu partout. Tous ces aveux composent un autoportrait réaliste. D'un éclat nocturne qui ne se rencontre que dans les parages de la vérité. Peu d'écrivains ont l'audace de dévoiler de la sorte. Et de porter si loin le risque de se peindre tels qu'ils sont.
Ce livre est à ajouter aux confessions intimes, aux révélations fracassantes de célébrités et à la divulgation des affaires familiales les plus cachées. Fréquents en thérapie, ces dévoilements s'inscrivent dans un mouvement plus large de "mise en lumière de ce qui est dans l'ombre".
Angoisses, cauchemars, troubles de l'apprentissage, conduites d'échec, incommunicabilité ou conduites addictives : les manifestations de la souffrance liée au secret sont multiples, chez celui qui tait comme chez celui qui pressent. Car le secret suinte en dépit du silence, à travers des gestes, des phrases interrompues ou des lapsus qui sont autant de signes d'une transmission inconsciente. D'où la nécessité impérieuse de dire le secret, par une confidence qui, plus qu'une révélation, n'est qu'une accession de tous à la vérité.

Bachy - - 61 ans - 6 octobre 2004