Un avion sans elle
de Michel Bussi, Fred Duval (Scénario), Nicolaï Pinheiro (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 19 juillet 2021
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un miracle marqué du sceau de l’enfer
Que s’est-il donc passé lors du crash d’avion sur le mont Terrible en décembre 1980 ? Tous les passagers avaient péri, à l’exception de Lily, un bébé sauvé des flammes de justesse… L’orpheline, qui n’a jamais été formellement identifiée, a fait l’objet d’une bataille juridique entre deux familles que tout oppose, les Carville et les Vitral. La justice décidera d’accorder la garde de celle que la presse a surnommé « Libellule » à ses grands-parents, de modestes vendeurs de frites à Dieppe, au grand dam des Carville, richissimes bourgeois parisiens. Crédule Grand-Duc, détective privé engagé par la famille Carville pour trouver des preuves en faveur de ces derniers, s’apprête à mettre fin à ses jours, dépité après dix-huit ans d’enquêtes, d’échecs et de coups tordus… Quand d’un seul coup la vérité jaillit, alors qu’il consulte le journal de l’époque…

Deuxième adaptation par Fred Duval d’un best-seller de Michel Bussi après « Nymphéas noirs », « Un avion sans elle » est comme son prédécesseur un « page-turner » extrêmement efficace. Il faut dire que la matière était déjà là : une intrigue diabolique et des personnages bien campés. Le travail de Duval se limitait donc — et ce n’est pas dévaluer son travail que de dire cela, ce type d’adaptation s’avérant la plupart du temps foireuse — à organiser le découpage pour que le roman corresponde aux codes de la bande dessinée, sans laisser l’impression qu’il s’agissait d’une simple adaptation. Une fois de plus, il s’en sort plutôt bien. La narration reste extrêmement fluide, et il est impossible de lâcher le livre jusqu’au dénouement final, qu’on se demanderait presque si Michel Bussi n’a pas écrit son scénario pour la BD.

Le dessin de Nicolaï Pinheiro, tout en restant académique, demeure en phase avec l’histoire et plutôt agréable à l’œil. A l’évidence, la palette de couleurs riche et le cadrage très cinématographique y sont pour beaucoup. Pinheiro a su donner corps aux personnages par un trait très expressif, le plus intéressant étant sans doute Malvina de Carville, femme-enfant acariâtre bloquée dans sa croissance par une colère de douleur, inconsolable de l’absence de sa jeune sœur Lily-Rose. Par ailleurs, si le dessinateur franco-brésilien semble être resté fidèle dans sa représentation de la ville de Dieppe, bénéficiant de la proximité de Duval, natif de Normandie tout comme Bussi, l’auteur de ces lignes, en tant que Franc-comtois d’origine, émettra en revanche un — très léger parce que pas chauvin pour un sou — bémol concernant les paysages jurassiens, qui selon lui évoquent plutôt les pré-Alpes (eh non, il n’y a pas de sommets aussi élevés et pointus dans le Jura…).

Mais si l’on veut se montrer vraiment critique à l’égard du scénario, qui utilise de façon un peu caricaturale l’opposition entre deux classes sociales très différentes (les gentils prolos dieppois et les méchants riches de la capitale), on pourra aussi lui reprocher ses invraisemblances et ses twists de dernière minute qui sont devenus très caractéristiques du genre. Ce à quoi les amateurs pourront rétorquer que c’est le principe même d’un bon thriller. Bref, on ne va pas ergoter et bouder son plaisir, ce récit se lit très bien et il est parfaitement calibré pour ça, même si on se souviendra davantage des personnages que du fond.