La rencontre, une philosophie
de Charles Pépin

critiqué par Bluewitch, le 18 juillet 2021
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
La vraie vie est rencontre
Dans cet essai inclusif, ouvert, accessible, Charles Pépin explore et illustre la notion de rencontre, de vraie rencontre, qu’elle soit amoureuse, amicale, philosophique, enseignante… De tous des passages humains dans notre existence, il y a de ceux qui nous transforment, nous éclairent, nous révèlent.

Evoquant des rencontres célèbres, qu’elles soient réelles, littéraires ou cinématographiques, Charles Pépin illustre son propos pour nous montrer combien seule la disponibilité, l’attente sans objet, peuvent provoquer ces Rencontres qui vraiment marqueront un tournant dans notre cheminement personnel. Eloge de l’altérité, comme le dirait Platon : « Qui n’a pas jamais aimé ne peut philosopher ». « Si philosopher consiste à sortir de l’enfermement dans sa propre opinion pour apprendre à penser « contre soi », alors l’amour me fait entrer en philosophie car il m’apprend à me mettre à la place de l’autre, à voir le monde à partir d’une position qui est celle de la différence et non de l’identité. » Même Dieu, dans la pensée hegelienne, a dû créer la matière, la Nature, l’opposé de l’Esprit, pour chercher à comprendre qui il était. Quelle thèse aurait du sens si personne n’est là pour l’entendre et débattre ?

L’autre, dans la vraie Rencontre, n’est pas ce miroir où s’admirer, mais bien une possibilité intense, de vivre à travers un autre univers, d’élargir le sien, en toute humilité. De ces rendez-vous qui bouleversent les trajectoires, il y a ceux de Voltaire et Emilie du Châtelet, Bowie et Lou Reed, Picasso et Eluard, les amants de La Route de Madison, Bérénice et Aurélien dans le roman d’Aragon… Il y a des risques à prendre, des certitudes à remettre en perspective dans ces rencontres : mais elles nous mettent en mouvement, nous font sortir de cette zone de confort tapissée de nos certitudes. Nous sommes des êtres grégaires, oui, mais pas seulement. On peut passer sa vie entouré, mais sans jamais rencontrer personne. Il n’est pas si simple de sentir qu’on « reconnait » l’autre, dans sa plus brute et pure expression.

Curiosité, vulnérabilité, stimulation, mutation. Quels sont les signes de la Rencontre ? Quels en sont les conditions ? Après avoir écouté et exploré ces questions dans les deux premières parties de l’ouvrage, Charles Pépin se concentre sur cette citation de Martin Buber « La vraie vie est rencontre » pour nous faire voyager dans ses dimensions religieuses, anthropologiques, existentialistes, psychanalytiques,… et nous offrir tout un panel de réflexions qui élargit le sens de cette notion au-delà de notre expérience personnelle.

Certains courants spirituels orientaux nous enseignent la non-dualité. Finalement, même si l’altérité (comme exploration de soi) est au centre de cet essai, nous sommes ramenés à cette interconnexion presque « karmique » qui vient pointer du doigt l’évidence des liens fugaces ou de longue durée qui nous façonnent tout au long de notre existence.

Un livre sur l’amour, la foi, la pensée, et surtout, sur l’ouverture à un monde de possibles.
Les richesses de la Rencontre 10 étoiles

Cet Essai analyse les trois types de rencontres (amoureuse, amicale, professionnelle) que chacun d’entre nous est susceptible d’expérimenter, à l’unique condition de ne pas rester enfermé à domicile !

Il est en effet patent que nos contacts avec les Autres alimentent et vivifient nos évolutions personnelles, contribuant ainsi à forger notre personnalité tout au long de l’existence.

Toutes sorties de chez soi offrent la possibilité au hasard de permettre d’immenses opportunités de rencontres, dont au départ, il n’en faut strictement rien attendre … tout en demeurant disponible à l’échange !

Si pour certains penseurs tels qu’Epicure ou Sartre, le Hasard se traduit par « ce qui est, mais aurait pu ne pas être », ce concept s’oppose au Destin selon lequel « ce qui est, ne pouvait pas ne pas être », et ici ce sont plutôt Marc-Aurèle ou Spinoza qui défendent ce déterminisme …

Un ouvrage lumineux et qui nous rend la philosophie enfin vivante !

Ori - Kraainem - 89 ans - 5 septembre 2023