Chiens de guerre
de Adrian Tchaikovsky

critiqué par Septularisen, le 4 juillet 2021
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Les écrivains de SF remâchent interminablement la singularité» (1).
Au début du livre, l'action se déroule dans le Campeche, au Mexique, région du Yucatán dans un futur proche. Une révolte anarchiste a éclaté et le gouvernement a engagé une société privée de «sécurité», employant des mercenaires pour ramener le calme.

La société Redmark n’emploie toutefois plus que très peu de combattants humains, et jamais en première ligne! En effet, la guerre n’est plus menée par des fantassins humains, mais par des biomorphes. C'est-à-dire des animaux, conçus artificiellement par la biotechnologie et génétiquement modifiés. Ils sont de très grande taille, d’une force surhumaine, munis de gilet pare-balles et armés de fusils-mitrailleurs de très gros calibre. De plus, ils sont dotés d’une voix synthétique créée pour diffuser la peur dans les rangs ennemis.

Rex est de ceux-là. C’est un biomorphe de chien de 2,70 mètres, avec des bras humains et des mains munies de griffes, et avec la tête d’un chien, munie de crocs très acérés et capable de renifler des odeurs à des kilomètres! Il dirige une équipe de choc de «soldats» biomorphes multiformes. Elle se compose de Dragon un lézard tireur d’élite capable de se rendre invisible grâce à son camouflage reflétant l’environnement. Miel, une femelle ourse aussi imposante qu’intelligente, maniant un fusil d’assaut capable de détruire un char. Et pour finir Abeilles une intelligence artificielle prenant la forme des insectes bien connus, capable d’instiller les pires poisons aux humains qu’elle pique!

Alors qu’ils reviennent d’une mission comme toujours couronnée de succès, une jeune femme Ellen Asanto, arrive au poste de commandement avancé, soi-disant pour vérifier les investissements des actionnaires de la société Redmark. En réalité c’est une espionne de l’ONU, enquêtant sur l’utilisation par Redmark d’armes chimiques interdites et l’effacement de toutes les preuves compromettantes, avec l’aide des fameux biomorphes…

Sur un thème un peu éculé, et déjà largement exploité en SF, M. Adrian TCHAIKOVSKY (*1972), parvient à nous «sortir» quelque chose d’original, une histoire complexe (parfois un peu trop d’ailleurs!..) et polyphonique. Le livre est divisé en cinq parties d’intérêt très inégal.

Dans la première partie, on découvre Rex et les autres biomorphes, ainsi que ceux qui les dirigent. On nous montre aussi les spectaculaires possibilités guerrières de ceux qui ne sont encore que des animaux de combat.
Dans la deuxième partie, les quatre biomorphes échappent à tout contrôle, et se retrouvent livrés à eux-mêmes. Rex doit prendre ses propres décisions et faire des choix. Miel se révèle très vite être beaucoup plus intelligente que les autres, mais Rex demeure leur chef.
Dans la troisième partie, les biomorphes se sont rendus. Un procès est mené pour savoir si ce sont des êtres intelligents, ou de simples outils. Doit-on les détruire ou bien leur accorder des droits?
Dans la quatrième partie, on retrouve Rex dans un endroit étroitement gardé par les humains et appelé «la Fourrière», qui n’est rien d’autre qu’une réserve destinée aux biomorphes. Ainsi détenus et surveillés, les humains peuvent observer leur évolution.
Dans la dernière partie, qui se déroule quelques années plus tard, les biomorphes sont devenus communs dans la société et aident maintenant les humains à divers tâches (médecine, vols spatiaux…). Rex quant à lui a repris du service et dirige maintenant les unités de combat de biomorphes canins de l’ONU.

C‘est très linéaire, et parfois long, mais alors très long et très répétitif! Les digressions sont légion et pas toujours intéressantes. Cela frise parfois même le ridicule, comme p. ex. quand Miel (qui rappelons-le est une femelle ourse!..), devient professeur dans une université, qu’elle porte des bijoux, des robes et des lunettes et qu’elle marche toute la journée sur deux pattes pour imiter les humains! On se croirait en train de lire le livre «Le bestial serviteur du pasteur Huuskonen» de l’auteur finlandais Arto PAASILINNA (2). L’histoire tourne très vite en rond, et vers la fin, ce n’est plus qu’un copié–collé du début, comme si, finalement, Rex n’avait pas du tout évolué pendant tout le récit, contrairement à Miel et Abeilles. De plus on devine la fin à des kilomètres!..

Selon le principe du «qui trop embrasse mal étreint» M. TCHAIKOVSKY, veut trop en faire, trop en mettre dans son livre… On trouvera entre autres : L’IA, la place de l’humain, le futur développement de celui-ci, l’avancée technologique sa maîtrise, ses bienfaits et ses dangers, la cohabitation avec d’autres espèces intelligentes, le clonage, les crimes de guerre, la notion d’humanité, le libre arbitre, le fait d’obéir (ou pas!...) aux ordres, etc etc… Stop n’en jetez plus! Résultat : On ne comprend plus grand-chose, beaucoup de sujets (trop?) sont abordés, mais à peine effleurés en surface, puis abandonnés en cours de route, sans même développer un tant soit peu l’histoire. Pourtant certains thèmes sont vraiment passionnants, beaucoup plus complexes et nuancés que ce qu'exposé dans le livre et auraient mérité bien plus que quelques lignes pour les décrypter... Mais cela ne semble très clairement pas avoir été l'objectif de l'auteur en écrivant ce livre!

Vous l’aurez compris, je finis très déçu par cette lecture, que j’ai même failli abandonner plusieurs fois en cours de route. C’est loin, mais alors très loin du chef d’œuvre absolu de la littérature de SF, que certaines critiques (bien trop!) élogieuses vendent de-ci de-là sur la toile! C’est une belle histoire de SF, bien écrite et une vision du futur parmi d’autres… Mais franchement, il ne faut surtout pas y chercher plus!

(1) : Cette phrase est extraite de ce livre Pg. 270 de l’édition de poche Gallimard Folio SF.
(2) : Cf. ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/15098