Les Enfants des autres
de Pierric Bailly

critiqué par Kinbote, le 30 juin 2021
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
D'un blog de réalité à l'autre
Le narrateur, prénommé Robert mais qu’on appelle du sobriquet de Bobinette au boulot et dans sa vie privée Bobby, découvre sa femme, Julie, et son meilleur ami Max en délit d’adultère. Sans leur réclamer d'explication, il quitte bientôt la maison, comme quand quelque chose l’excède, le dépasse.

Robert a une femme, trois garçons et une grand-mère octogénaire fantasque (elle aime le Canada Dry et s’apprête à se remarier). Quand, après son escapade, Robert revient chez lui, il n’y a plus trace de ses enfants dans la maison et il pense d’abord que son épouse et son meilleur ami, lui-même marié à Alexa, qui vient les reprendre à l’école, sont de mèche pour lui faire croire qu’il a perdu la raison. Au boulot, il se fait une vilaine coupure sur un chantier et, ensuite, il absorbera de fortes doses d’antalgiques qui le conduiront dans un état second, pour fuir la réalité qui bascule aussi bien que sa douleur au pouce.

Il ne remet bientôt plus en cause le fait que ses garçons sont ceux de Max et Alexa, à tel endroit qu’il en vient à regretter que Julie, sa femme, ne veuille pas d’enfants.
Après un autre glissement succédant à une scène troublante, il se persuade qu’il est célibataire et la scène finale actera le switch annoncé dès le départ.

C’est subtilement mené et, cela, dans une écriture fluide, sans afféteries et diablement ancrée au quotidien du narrateur.

On y démêle difficilement le vrai du faux, comment le narrateur passe d’un bloc de réalité à l’autre, quel est le moteur de sa dérive même si une logique fictionnelle intègre le tout.

Et, de plus, cela questionne puissamment le désir et la pratique de la paternité comme l’état de célibataire autrement que les clichés ou les mots d’ordre habituels sur le sujet – ou les sempiternelles fictions sur les familles recomposées -, avec leurs avantages et leurs inconvénients, comme les deux faces d’une même médaille, à porter comme à rejeter presque dans un même mouvement.

Pierric BAILLY, qu’il faut entendre parler de ses livres, avec une rare simplicité (il n’est pas du genre à hanter les plateaux télé ni les stations de radio), s’interroge sur la paternité et la filiation depuis la mort de son père, qu’il relate dans L’Homme des bois en 2017, ainsi que dans Le Roman de Jim, son dernier roman, paru récemment, comme les autres, depuis Polichinelle en 2008 (à l’âge de 26 ans) chez P.O.L.