La Bièvre et Saint-Séverin
de Joris-Karl Huysmans

critiqué par Bookivore, le 15 juin 2021
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Promenades dans un Paris oublié
Huysmans est un de mes auteurs préférés, et ce livre nous prouve qu'il aurait été parfaitement capable de nous passionner rien qu'en décrivant par le menu les canalisations des égouts de Paris.
Paris est au coeur de ce petit livre (225 pages dans la réédition Plon de 1908 ; il a été réédité il y a quelques années par un petit éditeur, visuel sur cette critique) qui regroupe deux chroniques sur deux quartier de la capitale.
Ce livre ne fait clairement pas partie des plus connus et lus de l'auteur de "A Rebours", mais c'est assurément un de mes préférés de lui et je ne peux donner une autre note que la maximale.
"La Bièvre et Saint-Séverin", paru en volume en 1901 il me semble (Huysmans décèdera six ans plus tard), est donc constitué de deux parties. La première s'appelle "La Bièvre" et en une trente-cinquaine de pages sans chapitres Huysmans nous décrit le passage de la Bièvre, petite rivière quasiment morte aujourd'hui, et des ateliers de teinturerie, tannerie, blanchisserie, mégisserie qui pullulaient sur ses bords, faisant de ce petit quartier (non loin de la manufacture des Gobelins dont Huysmans parle aussi dans la chronique) un des plus populaires de la capitale. Un quartier pouilleux, malodorant aussi, et qui, selon l'auteur, symbolise parfaitement la misère féminine exploitée par la grande ville, c'est même la première phrase du livre.

Nettement plus long (presque 200 pages en 10 chapitres), "Le Quartier Saint-Séverin" nous permet de nous promener, avec Huysmans, dans ce quartier du Vème arrondissement (vers le Quartier Latin) qui fait partie des plus anciens de Paris, et qui a toujours été un des plus miséreux et, disons-le, mal famés. Cabarets, bistrotiers louches, prostituées, loubards, cour des Miracles à ciel ouvert, coupe-gorge et lieu de résidence de miséreux vivotant dans d'antiques et ruinées habitations, ce quartier héberge aussi une église qui lui doit son nom, et que Huysmans (en pleine conversion depuis deux-trois ans, rempli de foi catholique jusqu'à sa mort) ne peut évidemment s'empêcher d'amoureusement décrire, rite grec en pratique y compris.
Huysmans, dans ces deux textes admirables, ne peut s'empêcher aussi de regretter amèrement que le modernisme vienne sans cesse tuer, détruire, les traces du passé, du Paris d'antan. C'est toujours d'actualité, plus encore maintenant. "La Bièvre et Saint-Séverin", c'est grosso modo une promenade dans un Paris oublié et en partie, désormais, inexistant.
Absolument passionnant. Trop méconnu. A lire absolument !