Lettres à Mina
de Thuân

critiqué par TRIEB, le 30 avril 2021
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
VOYAGE EPISTOLAIRE
La littérature vietnamienne a déjà captivé l’attention du lectorat français par la qualité de ses romanciers et romancières. Duong Thu Hong, Anna Moï, pour ne citer qu’elles, ont su nous faire partager le vécu du peuple vietnamien, au-delà de la propagande et des idées reçues sur ce pays. Thuân, femmes de lettre vietnamienne, nous propose une autre forme de redécouverte de son pays, de ses souffrances, de ses espoirs et illusions dans un recueil épistolaire : Lettres à Mina.
Ce sont des correspondances envoyées, ou pas, à une certaine Mina, une amie afghane de l’héroïne du récit. C’est l’occasion, à travers le contenu de ces missives, de découvrir l’état de l’Afghanistan dans les années de guerre, marquées par le conflit avec les Talibans. Thuân pointe ainsi combien le désir de liberté chez une femme musulmane peut être intense : « Je n’ai jamais rencontrée musulmane qui s’autorise autant de libertés que toi. Tu es née comme ça. Tu étais libre de naissance. L’instinct se passe de longue naissance. L’instinct comme la liberté. »

Autre point empreint d’humour : l’existence du prétendu « complexe d’infériorité » dont souffriraient les Viêt Kiêu, ainsi nommés parce que nés à l’étranger. Dans ces correspondances, alimentées par des dépêches d’agence de presse, Thuân illustre aussi des drames, des souffrances vécues par les candidats à un départ clandestin, ces boat people qui ont marqué l’actualité des années soixante-dix et quatre-vingts : « Tu seras surprise d’apprendre, Mina, qu’après plusieurs décennies de paix, il existe encore des Vietnamiens prêts à fuir la misère pour un prix exorbitant, comme tes compatriotes qui cherchent à fuir la guerre. »
Ces lettres décrivent aussi des personnages attachants, ambigus, comme Madame Chiên, Monsieur Chat. Peut-être représentent-ils par leur parcours celui du Vietnam tout entier ? C’est probable et c’est une évocation de ces destinées anonymes à laquelle Thuân nous convie avec brio et bonheur.