Dassault
de Claude Carlier

critiqué par Colen8, le 25 avril 2021
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Se réinventer sans cesse, surtout dans l’adversité
La fibre française héritée d’une famille juive alsacienne qui choisit de venir vivre à Paris après la défaite de 1871 face à l’Allemagne, la fibre travail comme une seconde nature, la fibre de la famille avec ses frères, sa femme et leurs deux garçons, la fibre fidélité vis-à-vis des compagnons des heures sombres, la fibre sociale envers ses ouvriers et collaborateurs, telles sont les valeurs portées par Marcel Dassault né Bloch durant toute sa vie. A 53 ans, rapatrié de Buchenwald le 23 avril 1945, ce camp de concentration dont il avait peu de chance de réchapper, il a déjà eu son lot d’adversité. Or il lui reste 40 ans à vivre sans qu’il n’en sache rien bien entendu, qu’il s’emploiera à construire avec succès un empire servant aussi les intérêts de la France.
Parti de rien, devenu capitaine d’industrie ayant magistralement réussi dans l’aviation militaire et civile et dans nombre d’autres secteurs, Marcel a l’esprit start-up. Il pratique spontanément ce qu’on appelle le « lean management » fait d’audace, de créativité, de réactivité, de performance, d’écoute des besoins de clients venant de tous les pays. Une fois assise sa position en aéronautique, il saura se réinventer dans l’architecture pour ses usines, ses bureaux, ses demeures, dans la banque et la finance, comme patron de presse quotidienne locale et hebdomadaire nationale, comme député 30 ans durant jusqu’à sa mort, mais aussi dans les grands crus de Saint-Emilion et enfin comme producteur de cinéma !
Infatigable et travailleur, intelligent et persévérant, victime plus que de raison de préjugés infondés, Serge a surmonté les uns après les autres les obstacles mis en travers de sa route avant, pendant et après sa nomination à la présidence du groupe Dassault Aviation à l’âge de 61 ans. Après une adolescence perturbée par la guerre et les mesures contre les Juifs, son internement à Drancy avec le reste de sa famille, il réussit à intégrer Polytechnique puis rejoint tout naturellement le groupe paternel quelques années plus tard. Ayant dirigé le centre d’essais en vol de Brétigny, été PDG de la filiale électronique, il réussit deux virages stratégiques qui propulseront le nom de Dassault au niveau mondial : la gamme des avions d’affaires Falcon largement exportée, la vente des avions de combat aux armées de l’air étrangères.
En parallèle Serge entame une carrière politique laborieuse en remportant sa première élection municipale à Corbeil-Essonnes au bout de 18 ans ! Elu et réélu il cumule les mandats en devenant sénateur de l’Essonne et poursuit les diversifications de son père après avoir dû renoncer à diriger Dassault Aviation à cause de la limite d’âge. Il acquiert ainsi la Socpresse société-mère du Figaro et la maison de vente aux enchères Artcurial tandis que la filiale Dassault Systèmes dédiée aux logiciels 3D prend une dimension multinationale qui dépassera bientôt les autres activités. La double biographie des Dassault père et fils étalée sur cent ans, riche, vivante, émouvante donne à connaître une réussite protéiforme exemplaire.