Cette nuit-là
de Isabelle Minière

critiqué par Clarabel, le 29 août 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Victime consentante
La très grande particularité de "Cette nuit-là" est la narration en " Tu " de bout en bout du roman. Grande audace ! L'auteur use cette forme pour interpeller l'héroïne, Lisa, victime d'un mari violent. Car Lisa est mariée à Clément, un homme charmant, aux boucles dorées, un homme très intelligent, aimé et respecté de tous. Un homme irréprochable. Sauf que cet homme-là a deux faces : un côté pile pour la ville, et un côté face pour son foyer. Clément n'est plus Clément, il devient un individu au regard noir, qui jette des éclairs et annonce l'orage. Un homme redoutable. Qui ne lève pas la main sur Lisa, non. Sa perversion va plus loin : il use des mots, il retourne les accusations, il insinue que c'est sa faute à elle, qu'elle le rend aggressif par sa faute. Lui est juste un peu coléreux. Sans plus. Alors, Lisa ? Coupable, responsable, victime consentante ?..
Isabelle Minière en dénoue tous les rouages, livre une spirale infernale. L'homme marié ne peut disposer de son épouse comme d'un objet. Abuser d'elle sans son consentement. C'est voler. C'est violer ! L'auteur fait mouche en déployant l'esprit retors du pervers contre la vulnérabilité de la jeune femme. Se taire, c'est consentir. La coupable, c'est elle. Elle ne peut priver d'un père à son enfant. Etc...
"Cette nuit-là" est remarquable : la mécanique de la manipulation mentale est saisissante d'effroi. C'est écoeurant, mais hélas si réel. Cette lecture est dérangeante, certes, mais ça existe. Et pis voilà.
Court mais intense 8 étoiles

Un livre très court (125 pages très margées) qui raconte de façon forte et directe le ressenti d'une femme au mari qui ne porte pas très bien son prénom ; Clément.

Le style est différent et permet de s'imbiber rapidement des sentiments de cette femme et on lit ce livre d'une traite, en haleine.

Un plaisir pour ce livre qui m'a fait découvrir Isabelle Minière.

Maylany - - 44 ans - 11 novembre 2007


La délicatesse des mots 8 étoiles

Ce livre là pourrait être un témoignage – hélas encore trop souvent d’actualité - sur la violence conjugale et la culpabilité de la femme qui reste malgré tout. Mais c’est un roman, magnifiquement écrit, dans lequel aucun mot n’est de trop. Un récit écrit à la deuxième personne du singulier, comme une petite voix intérieure, un double qui s’adresse à la femme victime, Lisa. Elle se parle à elle-même en utilisant la distance du « tu ». Son mari, Clément, porte mal son prénom, car il est bien souvent coléreux, pas violent non, simplement nerveux, il élève facilement la voix. Pour protéger son fils encore très jeune, Lisa fait bloc et reste, petite souris qui s’efface ou essaie d’apaiser l’orage marital. Il y a d’ailleurs beaucoup de métaphores au long du texte : l’orage, les éclairs, la tempête, l’éclaircie… Et puis tout bascule, le mari adopte un comportement de plus en plus pernicieux, chantage forçant l’épouse à se soumettre. Et oui le viol conjugal existe, mais c’est dit ici de façon pudique, avec une analyse fine des mots, et des deux parties du couple. Ça pourrait presque être banal si ce n’était aussi bien écrit.

Laure256 - - 52 ans - 18 novembre 2005