Dictionnaire des lieux imaginaires
de Gianni Guadalupi, Alberto Manguel

critiqué par Sibylline, le 29 août 2004
(Normandie - 73 ans)


La note:  étoiles
littéraire!
Voilà un ouvrage précieux pour tout amoureux de la littérature et dont l’éditeur nous dit qu’il est la première tentative du genre : répertorier les lieux que des écrivains ou des poètes ont imaginés et dont ils ont parlé dans leurs œuvres.
Dans sa critique éclair d’ « une histoire de la lecture » du même auteur, Cuné évoque un « travail de recherche phénoménal ». C’est sans doute un peu terre à terre, mais je dois dire que, moi aussi et là encore, c’est cela qui m’a le plus bluffée. La somme de lectures qu’il faut avoir faites, de notes qu’il faut avoir prises pour accoucher un jour d’un ouvrage comme celui-ci ! C’est vrai qu’ils étaient deux, mais tout de même ! Je suis admirative.
Ils nous disent qu’ils avaient répertorié 2000 lieux et, qu’ils étaient partis pour en trouver bien plus. « La liste s’allongeait, menaçant de tendre vers l’infini. ». Ils se sont donc, d’abord limités aux lieux prétendument situés sur notre planète et où donc, on pouvait être tenté de se rendre (très amusant critère). Ils ont ensuite recalé les vrais lieux, même revus et corrigés, d’une part, et ceux qui ne sont que les pseudos de lieux réels de l’autre. Ainsi, de coupe en élagage, nous sommes arrivés à un peu plus de 1000 articles.
Bien sûr, vous ferez certainement comme moi et, après avoir réfléchi un moment, vous vous mettrez à la recherche d’un lieu imaginaire auquel vous aurez pensé et, peut-être ne le trouverez vous pas. Qu’à cela ne tienne, MM Manguel et Guadalupi ont prévu le cas et vous prient par avance de leur signaler ces lacunes afin d’améliorer une prochaine édition. Astucieux, non ? Moi, personnellement, je serais fière de participer à une telle œuvre, mais je ne m’y risquerai pas, bien trop sûre que s’ils ont omis le ou les lieux que je cherchais, ce n’est pas par ignorance. Il doit y avoir une excellente raison. Jouons-la modeste.
J’en ai trouvé bien d’autres, par contre, des lieux. Bon nombre dont j’ignorais tout, d’autres que j’avais oubliés et que j’ai été comme émue de retrouver ; des récents en fait, et des bien plus anciens, enfouis profonds sous les couches géologiques de ma mémoire , et intacts. J’ai retrouvé parmi tant d’autres, bien familière, la carte du Tendre sur laquelle je ne m’étais plus penchée depuis des lustres et la plus distrayante île aux trente cercueils.
Ce dictionnaire somme toute géographique et ethnologique, est illustré comme il se doit de cartes, de dessins d’objets typiques des peuples évoqués et même (à Erewhon) de quelques notes inspirées de Haendel ! On ne peut plus complet document. Chaque article décrivant le lieu se termine, ainsi qu’on pouvait bien l’espérer par le titre de l’œuvre, la date et le nom de l’auteur.
L’ouvrage lui-même se conclut par deux index, celui des auteurs et celui des titres évoqués. Si avec tout cela vous ne trouvez pas votre bonheur, c’est que vous êtes difficile.
En conclusion, c’est, à mon avis, un dictionnaire thématique qu’il faut avoir chez soi, d’autant que son édition de poche le rend tout à fait abordable.
Invitation au voyage 8 étoiles

En effet, c’est une oeuvre qui pige dans la littérature des centaines de lieux imaginaires qui s’ouvrent à nous !

« L’univers imaginaire est d’une richesse et d’une diversité étonnantes : voici des mondes créés afin de satisfaire un besoin ardent de perfection, des utopies immaculées, telles Christianopolis ou Victoria, qui respirent à peine ; d’autres, comme Narnia ou le pays des Merveilles, inventés pour donner à la magie une patrie où l’impossible n’est pas incompatible avec l’environnement ; d’autres encore, tel le royaume Rêvé, fabriqué dans le but de contenter les voyageurs lassés de la réalité ; ou les voyageurs qui pratiquent des arts ténébreux et peu orthodoxes, comme sur l’île de Noble. »

Bien sûr les premiers endroits que j’ai regardés sont quelques mondes que j’aime bien et j’ai été surprise de ne pas les trouver (petite déception sur le coup, mais ça a vite passé). La préface explique qu’il n’y pas de lieux du futur (comme Arrakis) et j’ai remarqué qu’il n’y avait aussi pas de bandes dessinées (Gotham, Sylvanie), mais je peux comprendre étant donné la date de l’ouvrage qu’il manque des lieux imaginaires plus récents (Poudlard par exemple), c’est compréhensible. Les choix sont plus axés dans le merveilleux, le fantastique, les utopies...

Après d’avoir regardé quelques lieux que je connaissais, j’ai ensuite lu le livre de A à Z, littéralement. C’est une assez longue lecture et c’est écrit sur deux colonnes par page avec une police relativement petite. C’est à lire à petite dose, on est facilement submergé. J’imagine que c’est fait pour être feuilleté plus que d’être lu du début à la fin, mais étant donné que c’est un livre de la bibliothèque, je n’ai pas eu le choix.

C’est écrit dans le style d’un répertoire sérieux. Un millier d’articles parlant chacun d’un lieu imaginaire de la littérature et c’est aussi agrémenté de quelques cartes. L’écriture ne manque pas de verve et il y a aussi parfois quelques petits clins d’oeil dans les descriptions pour ceux qui ont déjà lu les oeuvres (comme pour L'Atlantide de Pierre Benoît, il est bon de savoir pour les aventuriers partants qu’il reste encore de la place dans la cave d’Antinéa, où elle garde ses amants morts). Moi aussi, j’ai pris plaisir à retrouver quelques endroits que je connaissais (Xanadu, Oz, le pays des Merveilles...).

On cherche vraiment à nous mettre l’eau à la bouche et aiguiser notre curiosité. Ça grossit toute une LAL (et la mienne était déjà obèse...) ! J’ai noté au moins une quarantaine d’oeuvres dont j’ai le goût d’en connaître davantage : Les villes invisibles (Calvino), Roland furieux (Arioste), Le mont Analogue (Daumal), Voyage autour de la terre (Mandeville)...

C’est un ouvrage bien fait que je recommande pour ceux qui veulent s’évader, découvrir d’autres mondes et je ne doute pas que ça va vous donner plein d’idées de lecture.

Nance - - - ans - 13 août 2012