En avant, marge !
de Patrick Henin-Miris, Miris (Dessin)

critiqué par Débézed, le 12 avril 2021
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Court mais percutant
Je me souviens d’avoir déjà lu un précédent recueil de Patrick Henin, « Une pellicule Sur la tête d'un pauvre type », l’éditeur y écrivait qu’il « ne sait pas grand-chose de cet auteur de « bonne rumeur » faute d’être de « bonne réputation ». Aujourd’hui, après ma deuxième lecture, je n’en sais pas plus même si ses textes révèlent certains aspects de sa personnalité : sa grande culture, son esprit vif, acéré, d’une grande finesse. Je peux aussi déduire de cette lecture que cet auteur n’est pas un débutant, il a suffisamment vécu pour accumuler avec lucidité une certaine dose d’aigreur à l’endroit de ses contemporains, il les voit à l’œuvre probablement depuis un temps suffisant déjà pour juger leur comportement et leurs errements. Cette fois, son éditeur monte encore le curseur d’un cran, il écrit dans son portrait de cet homme sans visage : « Son éditeur le tient pour un des meilleurs auteurs belges d’aphorismes (encore) vivants… »

J’ai beaucoup apprécié la préface de l’auteur dans laquelle il donne quelques éclairages sur ce qu’est, pour lui, un bon aphorisme. Je ne veux pas tout recopier ici, je préfère vous laisser le plaisir de le découvrir vous-même dans le texte. Je citerai seulement ce petit passage que j’ai trouvé plein de poésie :

« L’aphorisme s’écrit au pinceau d’un battement de paupières. Il est à la littérature ce que l’instant est au temps… ».

Comme dans le précédent recueil, la bêtise humaine est évidemment le premier thème que l’auteur évoque, il s’étonne que nous résumions toute la vie à des chiffres, des pourcentages, des ratios, des équations et qu’on oublie que le monde est aussi fait d’émotions, de sensations, d’impressions, de sentiments, d’idées, de pensées, … Il évoque la technologie qui dévore l’humanité :

« De la puce du rat à la puce électronique, les pestes demeurent mais elles mutent. »
« Il n’y a plus rien à dire,
Les chiffres ont eu le dernier mot. »

Il nous rappelle aussi que la terre n’est pas une ressource inépuisable :

« Prenons garde ! Notre planète ne pourra bientôt plus payer son loyer en espèces. »

Et nous assène quelques vérités que nous semblons avoir oubliées et qui pourraient, cependant, conditionner l’avenir de nos descendants :

« Le genre humain mourra d’une rafale de certitudes. »
« Les hommes ont été créés pour rendre le monde invraisemblable. »
« La tranche de pain sec du pauvre retombe toujours du bon côté. »

Cela étant dit, il évoque aussi sa manière de travailler :

« Je n’ai pas de style, je mets seulement les mots dans mon désordre. » Mais nous savons bien que certains désordres sont plus brillants et productifs que bien des ordres organisés jusqu’à en être nocifs.
Je terminerai mon commentaire avec ces deux aphorismes dont j’essaierai de faire le meilleur usage :

« Laissez tomber le prêt à porter, et habillez votre cerveau sur mesure, svp ! » avant qu’il ne soit trop tard car « Vieillir c’est quand on commence à avoir de la fuite dans les idées, … »