Sanction
de Ferdinand von Schirach

critiqué par Septularisen, le 17 novembre 2022
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«La Loi veut que la justice soit faite par des hommes, et non par des machines».
Je ne présente plus Ferdinand Von SCHIRACH (*1964), avocat allemand, spécialisé dans la défense au barreau de la ville de Berlin. Il est en effet devenu bien plus célèbre pour ses livres (1) autobiographiques, que pour ses plaidoiries… «Sanction», est d’ailleurs le dernier volume d’une trilogie sur le crime, après «Crimes» (2) et «Coupables» (3). Il nous propose ici douze nouvelles, peut-être devrais-je dire petites histoires, - avec toujours le monde de la justice en toile de fond, - et nous plonge, comme toujours, dans les coulisses des affaires pénales…

Au cœur de chaque histoire il y a souvent une personne comme vous ou moi, à l’existence somme toute banale et monotone, dont la vie bascule un jour dans la «machine» judiciaire. Que ce soit sous le poids de l'émotion, d'un instinct de violence ou de survie, que ce soit une vengeance ou une revanche, un besoin de justice, un «pétage de plombs», ou... Un simple accident!..
Certains sont broyés, malgré le fait qu’ils sont innocents, d’autres s’en sortent très bien, malgré leur culpabilité, certains ne résistent pas à l’acharnement judiciaire, certains échappent à la justice, - malgré la preuve formelle de leur culpabilité -, pour d’obscures raisons de procédure…

C’est unique, tendre, cruel, injuste, choquant, ironique, distancié, détaché, neutre… Mais, toujours très intéressant. J’ignore la part autobiographique exacte du livre, mais il est évident qu’à l’instar d’autres livres de l’avocat allemand, sa vie professionnelle se retrouve de façon plus ou moins déguisée dans ce livre. C’est très facile à lire, très bien écrit, d’une écriture très fluide, et rapide. Le livre se lit donc en quelques heures. Il est vrai que Von SCHIRACH n’a pas son pareil pour observer ses contemporains et en dénoncer les «petits travers», la méchanceté, la cruauté, l’égoïsme, le vice, la jalousie…
Attention Von SCHIRACH ne juge pas, ne justifie pas. Il est objectif, impartial et neutre. Il se contente de nous rapporter les faits, leur déroulement et leur dénouement… Il s’en tient au dossier et au plus près possible du factuel! Le reste est à votre charge, à vous de réfléchir, de penser, de décider en votre âme et conscience, puisque l’auteur nous laisse libre, - à nous ses lecteurs -, de voir où est la limite et où s’arrêtent le «bien» et est le «mal»?

Ainsi p. ex. Dans «La jurée», une jeune femme, sélectionnée comme jurée pour une affaire de violences conjugales, se retrouve trop impliquée dans le procès, qui la touche de trop près dans sa vie personnelle, elle demande alors à être récusée. Le procès s’arrête alors... Mais... Mais, cela provoque la remise en liberté du mari violent faute d'autres jurés, et quelque temps après, la mort de sa femme... Sous les coups de son mari …
Dans «Lydia», un homme tabasse violemment son voisin qui avait vandalisé sa poupée gonflable, qu’il considérait comme sa véritable femme. Mais... Mais, est-ce bien le voisin le coupable?
Dans «Le petit homme», un homme qui a été complexé toute sa vie par sa petite taille s’improvise un jour, sur un heureux hasard... Revendeur de drogue! Et devient ainsi un criminel... Suite a un accident d'automobile, après avoir commis un excès de vitesse en état d'ébriété, il est arrêté en possession de 5 Kg. de drogue qu'il transportait. Il risque donc la prison... Mais... Mais, déjà condamné pour conduite en état d'ébriété et excès de vitesse, et étant donné qu'il a refusé de faire appel de cette décision, il ne peut plus être condamné pour son autre crime…
Dans «Subotnik», une jeune avocate se retrouve à défendre un proxénète Russe. Cela lui fait horreur, d’autant plus horreur que le principal témoin à charge, une des filles qu’il avait obligée à se prostituer a mystérieusement disparu… Mais... Mais, sa conscience professionnelle doit passer au-dessus de tous ses sentiments personnels. Elle ira jusqu’à trouver un vice de procédure qui lui évitera 14 années de prison…
Etc, etc…

Comme à chaque livre de M. Ferdinand Von SCHIRACH, je finis émerveillé, époustouflé, par son écriture et ses histoires… Je n’ai rien de plus à dire que : «Lisez-le, lisez-le, lisez-le!..».

(1) : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/27462
(2) : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/32686
(3) : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/41855
La justice, ses failles et l'humanité 7 étoiles

Ce recueil de nouvelles plonge le lecteur dans l'univers juridique avec un certain effroi. Froidement, Ferdinand von Schirach narre des affaires, peut-être inspirées de la réalité, peut-être inventées à partir de son expérience d'avocat. Il est factuel et pose les faits comme un homme de loi le ferait au début d'un procès afin de présenter le contexte. La fin des nouvelles repose sur une chute qui provoque souvent de la colère ou de la surprise. En effet, l'écrivain connaît bien son sujet et attire notre regard sur certaines situations juridiques délicates et sur certaines failles dans le système. Cet éclairage peut faire peur car une personne qui ne connaît pas forcément ce monde sera surprise de découvrir des réactions ou des décisions qui nous paraissaient peu probables, voire même inenvisageables.

L'auteur aborde divers sujets : prostitution, drogue, adultères, jeux dangereux, amour pour une poupée ... Le lecteur se retrouve confronté à de nombreux faits divers qui interrogeront sur le système judiciaire mais aussi sur ce qui définit l'être humain. Certains personnages nous surprennent et ont des réactions inattendues sous l'influence d'une émotion très forte. L'on a souvent tendance à imaginer que le meurtrier a forcément des problèmes psychologiques profonds alors que dans ces nouvelles certaines individus ont des réactions radicales tout en étant à la base des personnes équilibrées. L'écrivain ne juge pas, il pose les faits comme le ferait un homme de justice neutre. Il y aurait presque un caractère journalistique dans sa façon d'écrire, comme ces journaux qui relatent des faits divers avec l'intention de provoquer un certain effet sur le lecteur. Je dois reconnaître que l'écriture de cet auteur ne m'a pas séduit. Elle est blanche et directe et rappelle davantage la langue de l'homme de loi que celle de l'écrivain. Il n'en demeure pas moins que les nouvelles restent intéressantes et se lisent avec curiosité car le lecteur a le sentiment d'entrer dans les coulisses du monde de la justice. Elles éclairent aussi sur le métier d'avocat. On s'interroge souvent sur la difficulté qu'il doit y avoir à défendre quelqu'un de détestable et cette question est abordée dans certaines nouvelles. Ces textes confirment bien que ce n'est pas toujours la justice qui l'emporte.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 18 juillet 2023