A Hauteur d'Homme
de Régis Penet

critiqué par Kostog, le 13 avril 2021
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Plus près du trottoir
Un déclassé, un paria, regarde passer le monde. Observateur et miroir des déambulations des autres, il est, lui, invisible, ignoré de tous. On l'imagine affalé sur un bord de rue passante ou à proximité de quelque supermarché.

À terre, devenu transparent aux autres, cet inconnu dont on ne verra jamais le visage, raconte qui il était et ce qu’il est devenu. Une famille ordinaire, une épouse aimée, une fille, une passion pour les étoiles, puis un moment de folie et la déchéance.

Avec ce nouveau projet, Régis Penet reste dans la droite ligne d’une oeuvre d’une grande originalité, sans aucune concession à la facilité. Le sujet évoqué dans « À hauteur d’homme » est évidemment casse-gueule. Comment, en effet, aborder sans tomber dans le cul-cul et le misérabilisme, la question de la pauvreté, du déclassement, du parcours de celui qui a échoué pour se retrouver sur le bord d’un trottoir. Penet y arrive grâce à un intéressant parti pris narratif : les passants sont visualisés en légère contreplongée, imposant une vue subjective. Le procédé incite le lecteur à se glisser dans la peau du personnage principal, dont on suivra les pensées, les tergiversations et les remords. On perçoit ainsi d’une part le récit de cet homme, de l’autre, on regarde avec lui la valse graphique des badauds, ni bons, ni mauvais, simplement indifférents, suivant le cours de leurs propres vies.

Penet ne cherche pas à rendre sympathique son personnage, et l’histoire qu’il raconte montre que celui-ci ne le mérite peut être pas, ce qui crée une distanciation naturelle. Donc, nulle complaisance, mais un récit et un dessin qui parviennent avec un sujet au ras du bitume à créer de la poésie. Le choix du noir et blanc n’est pas pour rien dans la beauté de l’album.

Seule réserve personnelle, une couverture colorée à la gouache qui, bien qu’étant en accord avec le reste de l’album, n’est pas parvenue à me séduire. Sachant que beaucoup d’acheteurs potentiels s’arrêtent souvent là, ce serait dommage, car avec « À hauteur d’homme », Régis Penet réussit un brillant one shot.