L'empereur
de Makenzy Orcel

critiqué par Pucksimberg, le 26 mars 2021
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Haïti et ses diverses oppressions
Le personnage principal attend l’arrivée de la police après le meurtre qu’il a commis. Il s’apprête à nous narrer ce qui lui est arrivé et ce qui l’a amené à commettre ce crime. Le roman se déroule en Haïti, île meurtrie par les politiciens successifs qui ont saigné ce pays. Le narrateur a d’abord été sous l’emprise de son maître vaudou, puis c’est son activité de livreur de journaux qui sera dépeinte. Il subit toujours l’autorité d’individus qui utilisent les autres. Un jour, il rencontre une femme, une parenthèse mystérieuse …

Je ne souhaite pas décrire davantage l’histoire pour ne rien divulguer d’essentiel sur la trame. L’univers dans lequel le lecteur est plongé a quelque chose d’envoûtant parce que le monde du vaudou ne nous est pas forcément familier. Le lecteur pénètre dans ce monde traditionnel avec peur parfois, tout en se laissant porter par la peinture qui est faite. Les chapitres sont courts et nous précipitent dans le petit monde de ce personnage aliéné par des figures d’autorité qui semblent exercer un impérialisme sur cet homme. L’on aurait presque l’impression que, de façon allégorique, Makenzy Orcel a peint la situation de Haïti, prise entre les croyances populaires qui peuvent effrayer les hommes et les cercles du pouvoir qui asservissent une population tiraillée entre ces deux figures impressionnantes.

Quelle plume ! Quelle poésie ! C’est le deuxième roman que je lis de cet auteur et je suis toujours sous le charme de son style. Makenzy Orcel, poète et romancier, est un conteur magnifique. Ses phrases sont habitées par un souffle qui nous transporte. Le lecteur est vraiment sous sa coupe : aucun mot de trop, aucun mot manquant. Tout semble ciselé et savamment équilibré. Le texte peut être cru parfois, et poétique à d’autres moments. Certains chapitres relèvent même de la magie incantatoire : ils semblent faits pour être déclamés et presque à l’image de l’univers vaudou. La seconde partie du roman semble faite d’un autre bois et mais est tout aussi réussie.

Le personnage principal suscite la curiosité du lecteur. Il se confie avec franchise, montre ses luttes intérieures et semble parfois avoir plusieurs destinataires, comme l’Empereur ou son Autre intérieur. On le voit parfois en pleine délibération. Cette façon de dépeindre intimement un personnage de roman nous aide à nous familiariser avec lui et à le comprendre.

Makenzy Orcel est vraiment un écrivain talentueux. Ce roman est fort et passionnant et se nourrit d’une écriture poétique et envoûtante.