Comme un cri de biffure
de Francis Denis

critiqué par Débézed, le 24 mars 2021
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Recueil sans grand espoir
Ce recueil est le troisième de Francis Denis que je lis, il m’évoque ma première lecture, celle du recueil intitulé « Les désemparés », les héros de « Comme un cri de biffure » se rapprochent sensiblement de ceux qu’il a mis en scène dans le premier. Après cette lecture, j’avais écrit : « Dans ce recueil Francis Denis a rassemblé quinze nouvelles d’inégale longueur qui évoquent toutes d’une certaine façon la difficulté des êtres à s’intégrer dans un monde et dans une société qui ne semblent pas faits pour eux. Des individus qui sombrent dans une chute définitive… ». Dans ce nouveau recueil les héros de Francis Denis sont souvent des personnes d’un certain âge, ou même d’un âge certain, qui évoquent leur jeunesse qui fut souvent un calvaire et même parfois un terrible drame.

Comme l’histoire de Rose qui revient sur les lieux de son enfance où elle a élevé les enfants que sa mère alcoolique pondait à la chaîne sans pouvoir s’en occuper, entre un père indifférent et absent et un voisin un peu trop empressé. Comme celle de ce grand-père qui n’a plus toute sa tête, comme on dit pudiquement pour parler des personnes atteintes de dégénérescence sénile ou de la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles encore, qui est convaincu de vivre une belle histoire d’amour. Comme l’histoire de cet enfant cloîtré, tout comme sa mère, par un père jaloux qui les entraîne dans sa folie possessive. Ce recueil comporte dix-huit histoires comme celles-ci… des histoires qui décrivent la douleur, la souffrance, l’acceptation, la résilience, l’innocence, la folie, …, des histoires qui racontent des amours fantasmés, des destins sans espoir, des misères sans issue possible, …, toutes des histoires, ou presque, vues à travers le regard d’enfants innocents. Une image bien triste de notre société qui laisse bien peu d’espoir à ses rejetons. Ce recueil se confond sans doute dans le thème de l’enfance maltraitée qui fait hélas encore trop souvent la une des médias.

Ces nouvelles sont certes très émouvantes, elles serrent le cœur et mouillent les yeux mais, mais au-delà des émotions qu’elles génèrent, ce qui me plait surtout chez Francis Denis c’est sa façon de raconter, d’écrire, avec des phrases courtes, des formules percutantes, des raccourcis fulgurants qui se télescopent avec le reste de son texte plutôt doux et calme malgré la violence des sujets qu’il traite. Ainsi, son texte devient sensuel, charnel, on sent les coups, on éprouve la douleur et la souffrance, on se sent dans l’environnement qu’il crée. On ne lit pas seulement les nouvelles de Francis, on les vit !